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Archive pour novembre 2009

À propos de l’identité nationale…

Jeudi 5 novembre 2009

La rose des vents d’Aubervilliers

Aubervilliers est une ville du sud
qui a poussé du côté de la banlieue nord
Elle est ouverte à tous les vents de la planète
elle est ouverte à tous les peuples de la Terre.
Aubervilliers est une ville du sud
du Nord,
de l’ouest et de l’est,
une ville des quatre points cardinaux
et tous ses habitants sont des immigrés.

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Aubervilliers de la petite Prusse
du quartier des Quatre chemins,
Aubervilliers des Alsaciens
qui ont quitté le blond pays des sapins noirs
pendant la guerre de Soixante dix

Aubervilliers des Italiens anti-fascistes
qui gardent sur le buffet de la salle à manger
une gondole de Venise et une mandoline
au coeur brisé.

Aubervilliers des Espagnols
pour qui flotte toujours
le drapeau écarlate, jaune et violet
de la République.

Aubervilliers des Portugais,
ouvriers du bâtiment et supporters de Benfica,
navigateurs des hautes terres,
vin chapeauté de chat botté.

Aubervilliers des Marocains, des Tunisiens, des Algériens
qui ont quitté leur village pour travailler à la chaîne
Aubervilliers des Algériens de Kabylie
où le soleil pleut dans le souvenir
comme les grains dorés de la semoule.

Aubervilliers des Bretons et des Auvergnats
Aubervilliers des Sépharades et des Ashkénazes,
Aubervilliers des Yougoslaves et des Roumains,
Aubervilliers des Tamouls et des Pakistanais
Aubervilliers des Chinois et des Africains…

Sur le marché d’Aubervilliers
dans les allées, entre l’éclat de soleil des pamplemousses
et des bananes plantain,
dans l’échancrure d’un boubou brille une épaule noire et luisante
comme un éclat de jour.

pontblanc.jpg
Aubervilliers est une ville du sud
qui a poussé dans les parages du Nord.
Aubervilliers n’est pas le centre de la Terre
mais toute la Terre a rendez-vous à Aubervilliers.

Le soir du quatorze juillet les voisins
sortent les chaises pour parler sur le seuil des maisons
comme du côté de la Méditerranée.

Aubervilliers est une ville
ouverte aux trente deux vents
de la rose des vents…

Les enfants des immigrés
des quatre coins de la planète
y vivent dans des cités,
aux jardins suspendus,
cristaux triangulaires,
concrétion de gypse dur et cassant
rose des sables
pour fleurir au désert,
rose habitable
dont ensemble on pourrait
déplisser les pétales.

Dans La Ballade d’Aubervilliers (Le Temps des Cerises, 2007)