J’étais invité, avec une centaine de poètes,
au festival de poésie de Sète,
Voix Vives, de méditerranée en méditerranée,
du 23 au 31 juillet 2010.
J’en rapporte quelques poèmes.
Quelques croquis de Sète

Que me manque-t-il ?
Un verre de rosé frais ?
Une douce amie ?
Un rayon de soleil ?
Une mer méditerranée ?
Que me manque-t-il ?
- Rien.
Le monde entier.
Voir et écouter en cliquant
*

Un pigeon marche sur le toit
tranquille
Il fait son petit tour
en propriétaire du monde
à peu près
autant que nous.
*

Que fais-tu dans l’ombre,
à côté du jet d’eau ?
dans la fraîcheur des platanes ?
- Je goûte le soleil.
*

La mer bleu pétrole
au bout de la rue qui descend vers le port….
La lumière orangée d’un soir d’été
sur les façades
et les grandes rues
de l’embarcadère…
Les lauriers rose en fleurs…
Un souffle d’air marin…
Ce n’est pas si mal
être invité
pour ce petit séjour
ici, sur la Terre.
*
La cabine téléphonique
se tient
seule, transparente et vide
sur la place.
Comme un ascenseur
pour s’envoler dans le soir
des conversations à longue distance
entre amoureux.
Mais désormais
plus personne n’utilise
la cabine téléphonique
et elle se tient là
solitaire, vide et transparente
sur la place
comme une veuve
fragile et vacante
à qui personne
ne rend plus visite
et qui s’ennuie.
*

Overdose
Place du pouffre
un poulpe géant
attrape par les pieds
un enfant
en l’attirant au fond
du gouffre.
*
Ghassan Zaqtan poète palestinien.
Le poète arabe lit
dans la cour du jardin
et pendant qu’il évoque
les gens de Palestine
et que défile en silence
fantômes transparents
le cortège des esprits meurtris
de son pays absent,
derrière lui,
se balance doucement
un grand buisson de roses
dont les branches sans épines
font comme de longs doigts
au bout desquels dansent des jeunes filles
en robes roses.
Et ce buisson lui est
un trône,
un dais,
une palme,
pour dire
qu’il est ici
chez lui.

« Je n’ai pas la constance des femmes de marins »
me dis-tu et cela fait un alexandrin.
Tu épousas pourtant hier un matelot
(Hier… il y a beau temps…). Mais ne va guère sur l’eau
et son vaisseau
auquel il tient
c’est le tien.
*

Accrochés à des potences en forme de croix
des dizaines de brocs en plastique bleu
attendent
dans le cimetière de Sète.
Les tombes ont soif.
Le souvenir des morts
a besoin pour survivre
de la vie des plantes.
*

Un poète s’en va en barque,
poète d’eau douce et matelots,
sur les flots
Chante l’inconstance des jours
et la constance de l’amour,
voguant sur l’eau
Les vagues chahutent la barque,
Tiennent poète et matelots,
dessus les flots
Tanguent les mots, la barque bouge,
mais tombe une casquette rouge
hélas à l’eau…
Ah ! l’onde amère
de la mer…
*

Tout autour de la colline,
dans l’eau noire de la nuit,
l’île du Mont St Clair
entre étang et mer :
un collier de lumière
aux pierres éparpillées…
(Nous sommes encerclés d’humanité).
*

J’écoute des poètes postmodernes
installés dans la petite cour d’une maison particulière.
(Leurs vers sans espérance me laissent perplexe…
Du poème, j’attends qu’il ait les pieds sur la Terre
et qu’il ouvre une fenêtre sur le ciel et sur la mer).
Je suis donc debout et je regarde le sol…
Et voici que mon regard distrait se pose
sur les orteils des femmes
à côté de moi.
Elles sont toutes en sandales, nu-pieds,
et les minuscules coquillages
de leurs ongles sont peints
couleur nacre
rouge cerise
noir de nuit
et même bleu clair.
(Pas besoin de lever la tête…
Les femmes portent la terre
et le ciel à leurs pieds).
Voir et écouter en cliquant
*

Le goéland
Au jardin du Château d’eau
dans l’allée
entre les pelouses et les guinguettes
où nous sommes attablés
déambule un grand goéland blanc.
Il a l’air particulièrement fier de lui,
comme s’il était le gardien du parc
ou comme s’il venait de publier
son premier recueil
chez Gallimard.
(Ah ! facile, l’anthropomorphisme…
Tu profites que les goélands
ne savent pas lire
et ne peuvent pas te répondre…
Bon, c’est vrai…
Mais les poètes font ça depuis longtemps…)
Peut-être qu’en fait,
tout simplement
ce goéland
se prend pour un albatros…
Voir et écouter en cliquant
*

Soir d’été
« Il y a du monde, là-dedans »
me dis-tu en levant la tête vers un arbre
où piaillent des moineaux.
(Cet arbre est un HLM
pour les oiseaux).

Dans la rue obscure
sautille et danse un adolescent
Il a une hanche d’homme
et une hanche de femme…
Il est le lointain descendant
du poète renaissant
Mellin de Saint Gelais.
Assis au pas d’une porte
l’adolescent aux cheveux longs
dialogue avec un chat
perché sur le rebord de la fenêtre
au premier étage.
On voit passer des ombres chinoises
dans le cadre éclairé des fenêtres ouvertes
autour de la place
qui sombre dans l’obscurité.
Ceux qui sont dedans vivent dehors
Dans le jardin public
une jeune femme arabe au foulard bleu
est assise dans l’herbe au pied d’un arbre
et ses enfants jouent avec deux petits lapins blancs.
Un ruisseau,
entouré de rocaille artificielle,
dévale de la colline
à travers le parc
et des jeunes filles s’y trempent les pieds
en retroussant leur jupe.
Un garçonnet
arcbouté sur ses petites jambes,
près du ruisseau,
envoie en l’air avec application
un beau jet d’or
qui fait un arc-en-ciel
dans la lumière
du soleil couchant.
*

Pierre de lune
adulaire opalescence
céleste lumière sélénite
enfermée dans une pierre
tirée de la nuit terrestre
Elle a, bien sûr, des vertus magiques
et serait bonne pour l’équilibre conjugal
(quand elle est offerte en boucles ou en bagues…)
L’amour
la poésie
les pierres fines
et la beauté du monde…
ce sont de vieilles lunes.
Mais ces vieilles lunes
nous éclairent toujours.
*

Toi,
tu es ma bonne étoile.
Mais la clarté de l’aube
ne te fait pas pâlir
et,
au grand jour,
tu ne t’effaces pas.
