Struga
Les demoiselles de Struga
A sept heures du matin, l’eau du lac
émergeant de la brume est pure
et lisse et transparente
je m’y glisse et je nage.
Autour de moi frayent et s’égayent
de petits poissons translucides…
Ce sont évidemment de belles demoiselles
victimes d’un charme,
(car, la chose est connue,
les poètes entretiennent des relations intimes
avec l’invisible)
Pour qu’elles se transforment,
il suffit de les prendre dans la main
et de les embrasser sur la bouche.
Si vous ne me croyez pas
c’est que vous ne l’avez jamais fait.
Les cygnes du lac d’Ohrid
Les cygnes du lac d’Ohrid
se rapprochent de la berge
et se rassemblent
à côté d’un bouquet de roseaux.
Ils se lissent les plumes
furètent de leur bec dans le sable
font des grâces avec leur cou
et me jettent un regard
à la dérobée.
« Drôle de tête, pour un cygne, se disent-ils »
Je crois bien
qu’ils ne me reconnaissent pas…
Pas à cause de mes ailes
ni de mon plumage
mais à cause de mes yeux
rouges de conjonctivite
qui me donnent l’air d’un extra-terrestre.
Ils feignent l’indifférence, mais peut-être
qu’en vérité, ils me plaignent.
(Ah ! s’ils savaient ce que c’est, vraiment,
la vie de poète !…)
Bilan de santé
Déjà je pouvais me vanter
d’avoir de l’asthme, comme le Che
(et donc de partager son idéologie).
Récemment j’ai contracté
(je m’en serais bien passé
mais en tire quelque fierté)
une angine de poitrine
comme Nazim Hikmet.
Et voici maintenant
qu’avec cette conjonctivite
je suis entouré d’un brouillard doré,
aveugle presque, comme Homère…
Que me faut-il encore
pour être un grand poète ?
La barbe ?
tel Victor Hugo ou Walt Whitman ?
Changer de mœurs ?
Devenir alcoolique,
drogué et neurasthénique ?
Comme Baudelaire, Verlaine
et quelques autres ?
Allons, encore un effort…
tout espoir n’est pas perdu !
A celle qui dort là-bas
Au petit matin, à mon réveil,
la hanche de la colline
imite comme elle peut
la forme de ton corps
et les oiseaux
qui passent devant la fenêtre
de ma chambre d’hôtel
sont les baisers
qui rêvent de voler
jusqu’au buisson nocturne
de ton nid secret.
Les paons de St Naum
Les paons qui se pavanent et font la roue
dans les fossés
ou sur les toits du monastère,
que leur manque-t-il pour être poètes ?
- La parole ?
Sur l’Autogestion et sur la poésie
Dans la nuit bondissent
infatigables
les eaux de la rivière Drin.
Les poètes se rassemblent sur le pont
pour réciter leurs vers.
Va-t-on voir la foule
les rejoindre sur les berges ?
Si elle n’est pas au rendez-vous
qui faudra-t-il incriminer ?
Le peuple qui n’est pas prêt ?
Ou le programme
qu’il faut revoir ?