La fête au Temps des Cerises
Le temps des cerises a pris rendez-vous avec l’été
Nous nous sommes posés comme une volée d’oiseaux
sur la pelouse des Buttes Chaumont
près du Rosa Bonheur.
Du haut de la colline, nous dominions Paris
dans la lumière du soir
(nous dominions mais n’écrasions personne
pas même les insectes qui s’ébattent sur le sol).
Nous avons déposé sur l’herbe nos grandes nappes rouges et noires
comme des drapeaux de pirates et de révolutionnaires,
quelques livres, quelques victuailles et quelques bouteilles.
Chacun a apporté ce qu’il voulait
ce qu’il pouvait
et nous avons partagé.
(Car telle est notre idée du bonheur commun
dans la société future).
A notre Déjeuner sur l’herbe
il n’y avait pas de monsieur en costume
ni de dame plantureuse et nue
mais un romancier
un ingénieur
un postier
un économiste égyptien
une électricienne
une employée de bureau
une comptable
des retraités
et des étudiantes
un pique-assiette avec deux chiens
un amoureux perdu avec une rose fanée
un ou deux peintres sans chevalets
un physicien
en ébullition comme la cornue d’un chimiste
un chanteur et un guitariste
et des poètes
aussi nombreux que les bouteilles…
Nous avons dit des poèmes et bu
en l’honneur de Jean-Baptiste Clément
Omar Khayyam,
Li Taï Po,
Abu Nuwas,
Villon, Ronsard, Rimbaud, Verlaine, Apollinaire et Brecht…
Et nous avons chanté
« Juste, a dit le chanteur,
car nous chantions ensemble ».
Des jeunes filles assises en rond
ont appris de nouvelles chansons
(qui sont d’anciens chants révolutionnaires)
parce que c’est de leur âge.
Puis nous les avons suivies
et avons repris leur chant
parce que c’est de notre âge.
Le pique-nique de notre brigade fraternelle
a connu un succès prometteur.
(Ce n’était pas un pique-nique géant
mais il deviendra grand…)
Il n’y a que toi qui manquais.
La prochaine fois,
tu viendras.
Nous nous allongerons côte à côté sur l’herbe
au sommet de la colline,
nous regarderons le soleil se coucher sur Paris
et
(puisque la poésie moderne
recycle les images du passé et leur redonne une jeunesse)
nous boirons
à la coupe de nos lèvres
dans la douceur du crépuscule
la clarté mordorée du ciel
lentement
comme un vieux rhum.
le 2 juillet 2011