Archive pour août 2011

Chez Hugo à Guernesey

Vendredi 12 août 2011

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La traversée

Sur le Victor Hugo nous traversons la Manche
Au départ de Diélette pour rejoindre Saint-Pierre
Dès la sortie du port il se met à tanguer
(Serait-ce donc ainsi la voie du paradis ?)

« Un poète est un monde enfermé dans un homme »
On nous a dérobé le grand air, les embruns
Nous sommes ballotés comme dans un manège
La mer a des vapeurs et le cœur se soulève

Marâtre sans douceur et sans égards pour nous
La mer brutalement secoue notre berceau
(Ainsi devait-elle faire déjà du temps d’Hugo…)
Elle qui est pourtant berceau de toute vie.

« Homme libre toujours tu chériras la mer »…
Pour Verlaine elle avait de verts reflets d’absinthe
Aujourd’hui, les temps changent, elle est d’un bleu pétrole ;
Et nous, poissons volants, nous rêvons de terre ferme.

L’histoire nous a aussi pas mal ballotés
Et de vomir devons souvent nous retenir
(Tant de petits poissons se font bouillir au bleu)…
Mais il fait un grand vent et le soleil nous suit.

le 10/08/2011

 

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Hauteville House

Au jardin de Hugo poussent des agapanthes
Etait-ce ainsi déjà au temps de son exil ?
C’est un jardin tout en longueur
enserré par un mur qui domine la colline au-dessus de la mer,
on y trouve aussi des hortensias, des fleurs du pêcheur
des pommiers, des poiriers, un potager avec des tomates
et un grand chêne que le poète avait planté en l’honneur
des États Unis d’Europe.
(Le chêne se porte bien
l’Europe beaucoup moins)

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Au jardin de Hugo poussent des agapanthes
et sur la façade de la maison blanche
l’escalier de secours qui monte en colimaçon vers le ciel
avec le soleil dessine une légère dentelle
« Pas mal, ce rocher fleuri pour un exil »,
se dit le visiteur qui ne fait que passer
(car ce jour-là, le ciel est évidemment bleu)
Hugo, lui, a bien cru que cette maison serait son tombeau
et, de son vivant, il s’en est fait un mausolée
où comme dans sa vision de l’humanité on monte
de l’ombre vers la lumière.
Il faut passer par les salles obscures de l’univers gothique
peuplées de symboles
pour grimper l’escalier, traverser la bibliothèque
et, accédant à la connaissance,
atteindre le palier de la clarté,
la vigie sur le toit formée de baies vitrées
où il écrivait, debout devant la mer,
avec à ses pieds un puits de lumière
pour éclairer les étages inférieurs…

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Dans la maison de Hugo il y a
une horloge sans cadran ni aiguille
car le temps de l’exil
est un temps hors du temps.

Chassé de Bruxelles, puis de Jersey
c’est ici qu’il s’est réfugié
et devenant propriétaire
s’est mis à l’abri d’une nouvelle expulsion.
Et c’est ici sur ce balcon qu’il se postait tous les matins,
à moitié nu peut-être,
pour rassurer Juliette qui le guettait
dans la maison voisine sur la colline.

Dans le jardin de Hugo où poussent des agapanthes
un petit garçon de trois ans demande à son papa
« Où il est Victor Hugo ? »
« Il est sorti… » lui dit son père, pour le rassurer
(car aux enfants de trois ans on ne parle pas de mort).
La maison bien sûr est hantée par son fantôme ;
Mais ici, Hugo ne faisait pas tourner les tables.
(Il a arrêté quand son ami Jules Allix est devenu fou).
On ne l’entendra donc pas cogner contre les cloisons de bois.
Il pourrait pourtant donner de la voix et tonner.
Notre temps en effet ne vaut pas mieux que le sien
Nous avons-nous aussi un Napoléon très petit.
Et combien d’entre nous se sentent en exil
dans leur propre pays ?

Pourtant la roue du progrès,
sous laquelle tant de fleurs naissent
et tant de fleurs sont écrasées,
poursuit sa route
vers beaucoup d’ombre
ou un peu plus de lumière…
(Tout dépendra de ce que nous écrirons.)

Pendant ce temps, en dehors du temps,
au jardin de Hugo poussent les agapanthes
les fleurs de l’agapè, du plaisir de vivre et de l’amour
pour l’humanité.

le 12/08/2011

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