Lettre ouverte à François Hollande
Monsieur le Président,
De divers côtés nous parviennent des informations préoccupantes concernant la vie culturelle et singulièrement la place faite à la poésie aujourd’hui en France. La dernière en date, et l’une des plus préoccupantes, concerne le Printemps des poètes dont chacun sait le rôle, depuis de nombreuses années, pour que la poésie vive, s’exprime et se diffuse dans l’ensemble du pays.
Le Ministère de l’Éducation, qui contribue depuis toujours au fonctionnement de cette association, vient en effet de réduire de 60 000 euros la subvention qu’il lui verse. Ce qui met le Printemps des poètes dans une grande difficulté.
On invoquera sans doute la rigueur des temps et la nécessité de faire des économies… Mais cette rigueur semble pour l’instant inégalement répartie.
Serait-ce qu’au sein du gouvernement (et singulièrement au Ministère qui a pour mission l’éducation de la jeunesse) la poésie est considérée comme un luxe, un supplément d’âme dont la plupart de nos concitoyens pourraient se passer sans dommage majeur ?
Si tel était le cas, ce serait une erreur grave.
La poésie n’est pas qu’un jeu gratuit sur les mots. Même si cette dimension ludique fait partie de ses possibilités. Ou si c’est un jeu, il est vital, comme est vital le jeu pour le développement de l’enfant et sa aptitude à grandir. La poésie est la manifestation de la capacité des êtres humains à « habiter le monde », à le faire leur, à s’ouvrir aux autres, à ressentir plus vivement le réel en même temps qu’à le rêver, à le transformer par le recours à l’imagination. Elle est, au meilleur d’elle, une lucidité sensible, une des formes les plus hautes de la conscience.
Un peuple sans poésie serait un peuple sans rêve.
Déjà, dans un texte de 1948 intitulé « La fonction poétique », Pierre Reverdy écrivait : « Non, la poésie n’est pas cette chose inutile et gratuite dont on pourrait si facilement se passer — elle est au commencement de l’homme, elle a ses racines dans son destin. (…) Elle est l’acte magique de transmutation du réel extérieur en réel intérieur sans lequel l’homme n’aurait jamais pu surmonter l’obstacle inconcevable que la nature dressait devant lui. »
Porter atteinte à cette fonction poétique, qui a tant à voir avec l’essence même de la liberté humaine (qui est de ne pas se résigner au réel tel qu’il est) ce serait aller dans le sens de la pente, qui existe dans notre société, à considérer les hommes et les femmes comme des consommateurs et non comme des producteurs, des clients d’un imaginaire sans imagination et non comme les auteurs de leur vie et de leur futur. Cette pente, c’est celle qui tend à faire d’un peuple acteur de son destin une simple population passive et manipulable.
Réduire la culture, ici et aujourd’hui comme hier et ailleurs, c’est toujours ouvrir la voie à l’abêtissement et au fascisme.
Ce caractère nécessaire de la fonction poétique me paraît d’ailleurs particulièrement évident dans les périodes de crise, telles celle que nous vivons actuellement. Quand bien des aspects de la vie sociale poussent à la résignation devant ce qui est perçu comme une fatalité, le recours au poème apparaît pour ce qu’il est aux yeux de beaucoup : « une salve contre l’habitude », (pour reprendre l’expression d’Henri Pichette), une insurrection contre la vie morne et une action, apparemment modeste mais précieuse, pour imaginer le monde. Or n’est-ce pas ce qui manque le plus aujourd’hui : la capacité à rêver le futur et la transformation du monde ? Le vieux mot d’ordre de Rimbaud, « Changer la vie » est toujours le programme des poètes du monde entier. A mes yeux, il n’y a guère de poésie possible sans utopie. C’est d’ailleurs à mon sens l’une des raisons du succès que connaissent aujourd’hui bien des manifestations poétiques, telles la campagne d’affichage des poèmes dans le métro, dont je me suis occupé avec Gérard Cartier pendant quinze ans, le Printemps des poètes et les divers marchés et festivals qui participent du regain de la vie poétique en France.
J’ajouterais, pour être régulièrement invité dans des festivals à l’étranger, que j’ai parfois le sentiment que la poésie française est mieux reconnue en dehors de nos frontières qu’ici-même.
L’absence de la poésie dans les grands médias, sa marginalisation dans l’industrie et le commerce du livre et maintenant les réductions budgétaires dont elle est la cible l’indiquent.
Une politique de gauche digne de ce nom devrait plutôt s’attacher à cultiver la passion de la culture, de la connaissance et des arts, à encourager l’esprit critique, le goût du réel et la capacité à rêver les yeux ouverts.
Voilà, pourquoi, monsieur le Président, je vous demande d’étudier avec votre gouvernement la possibilité de rétablir la subvention du Printemps des Poètes et de favoriser partout la multiplication des initiatives en faveur de la poésie.
Vous priant de croire en ma considération,
Francis Combes
La valeur d’une société se mesure à l’importance qu’elle accorde à la culture, à l’art et notamment à la poésie.
Le poète n’est pas un accessoire mais une vitalité dans et à notre vie quotidienne.
lla poésie fait partie intégrante de la vie des hommes
elle est un rayon de soleil quand la vie devient morne
sans elle peu de beauté de grandeur et d’amour
tout près de moi toujours un livre de poèmes
qui me donne la force d’aller de l’avant
que vive la poésie que vivent les poètes
pour montrer le chemin de l’humanité dans ce monde parfois si dur
Je partage tout de ta lettre ou plutôt merci de mettre en partage ces arguments et réflexions, j’en userai jusque dans ma classe. Tout sauf « la supplique » au président pour que son ministère retrouve la dignité d’une politique de gauche. Hollande, son gouvernement, son parti sont plus fermés qu’une huitre à la dignité de la gauche, ils se sont ouverts au capital. Alors la dignité ils s’en tapent le coquillard !
Victor Hugo n’est pas à leurs côtés, avec Gavroche il est en face…
Carta abierta a François Hollande
Sr. Presidente,
De varios lados nos llega información preocupante acerca de la vida cultural y, sobre todo, del lugar de la poesía en la Francia de hoy. La más reciente, y una de las más preocupantes, se refiere a la Primavera de los poetas. Todos conocemos el papel que ésta desempeña hace muchos años para que la poesía viva, se exprese y se difunda en todo el país.
El Ministerio de Educación, que siempre ha contribuido al funcionamiento de esta asociación, ha reducido en 60.000 euros la subvención que le asigna. Esto pone a la Primavera de los poetas en gran dificultad. Se invocará, sin duda, los tiempos difíciles y la necesidad de ahorrar dinero… Pero, por el momento, esta política parece estar desigualmente repartida. ¿Será que en el seno del gobierno (y en particular en el Ministerio, cuya misión es la educación de la juventud) la poesía es considerada un lujo, un suplemento espiritual del que la mayoría de nuestros ciudadanos podría prescindir sin mayores daños? Si este fuera el caso, sería un grave error.
La poesía no es solo un juego de palabras, aunque esta dimensión lúdica forme parte de sus posibilidades. Y si es un juego, es vital, como es vital el juego para el desarrollo de la infancia y la capacidad de crecimiento. La poesía es la manifestación de la facultad humana de “habitar el mundo”, de hacerlo suyo, de abrirse a los otros, de sentir más vivamente lo real al tiempo de soñarlo, de transformarlo por vía de la imaginación. Es, sobre todo, una lucidez sensible, una de las más altas formas de la conciencia.
Un pueblo sin poesía es un pueblo sin sueños.
Ya en 1948, en un texto titulado “La función poética”, Pierre Reverdy escribía: “No, la poesía no es esa cosa inútil y gratuita de la que podemos prescindir fácilmente. Se halla al principio del hombre, y echa sus raíces en su destino. (…) Es el acto mágico de transmutación de lo real exterior en lo real interior, sin lo cual la humanidad jamás podría haber superado el obstáculo inconcebible que la naturaleza le oponía.”
Atentar contra la función poética, que tiene mucho que ver con la esencia de la libertad humana, la cual consiste en no resignarse a lo real tal cual es, sería ir pendiente abajo, en una dirección marcada por nuestra sociedad que considera a hombres y mujeres consumidores y no productores, clientes de un imaginario sin imaginación, y no autores de sus vidas y su futuro. Esta pendiente tiende a hacer de los pueblos una simple población pasiva y manipulable. Reducir la cultura, aquí y ahora, como ayer y en todos lados, implica siempre allanar el camino para la estupidez y el fascismo.
Este carácter necesario de la función poética me parece evidente, de manera particular, en tiempos de crisis, como la que estamos viviendo ahora. Cuando más y más aspectos de la vida social empujan hacia la resignación ante aquello que se percibe como inevitable, el poema aparece, a los ojos de muchos, como “una salva contra la costumbre” (para retomar expresión de Henri Pichette), una insurrección contra la vida mustia y una acción aparentemente modesta pero valiosa para imaginar el mundo. ¿No es lo que más falta hoy en día, la capacidad de soñar el futuro y la transformación del mundo? El viejo lema de Rimbaud, “cambiar la vida”, es siempre el programa de los poetas del mundo entero.
En mi opinión, no hay poesía posible sin utopía. Esta también es, a mi modo de ver, una de las razones del éxito de numerosas manifestaciones poéticas, como la campaña de carteles de poemas en el metro, de la que me ocupo con Gérard Cartier hace quince años, la Primavera de los poetas y las diversas ferias y festivales involucrados en el renacimiento de la vida poética en Francia.
He de añadir, por ser invitado regularmente a festivales en el extranjero, que a veces tengo la impresión de que la poesía francesa es mejor reconocida fuera de nuestras fronteras que dentro de ellas. Lo confirman la ausencia de la poesía en los medios masivos, su marginación de la industria y del comercio del libro y, ahora, en los recortes presupuestarios, de los cuales es el blanco.
Una política de izquierdas digna de ese nombre debería, por el contrario, comprometerse a cultivar la pasión por la cultura, el conocimiento y las artes, promover el pensamiento crítico, la cercanía con lo real y la capacidad de soñar despiertos.
Por esa razón, señor Presidente, le pido que discuta con su gobierno la posibilidad de restablecer el subsidio a la Primavera de los poetas y apoyar la multiplicación de iniciativas a favor de la poesía.
Atentamente,
Francis Combes
Merci pour votre traduction en espagnol.