Les snobs n’aiment pas les choses,
les gens, les tableaux, les poèmes, les romans ou les films
pour eux-mêmes
parce qu’ils les aiment
parce qu’ils sont beaux
émouvants et vrais
et parce qu’ils les comprennent.
Ils les aiment parce que ça se fait
Ils les aiment parce qu’il faut les aimer
parce que les gens comme il faut les aiment
parce que c’est distingué
parce que c’est excitant
Ils les aiment pour être dans le coup
Ils les aiment pour faire comme ceux qui savent
comme ceux qui comprennent
Les snobs, eux, ne comprennent pas
Ils font semblant.
Si je comprends, se disent-ils, ça ne doit pas être intelligent…
(En son for intérieur
le snob cultive une maigre plante en pot,
une plante grasse couverte de complexes en formes d’épines).
Si c’est incompréhensible, pense-t-il,
c’est que c’est profond.
Et si ce n’est pas beau
c’est donc que c’est de l’art.
Et comme les snobs se font souvent embaucher comme décorateurs d’intérieur
jardiniers subventionnés du bon goût
paysagistes de l’âme publique
en charge de l’aménagement culturel
de notre territoire intime
ils privent d’eau les simples coquelicots, les marguerites,
les roses mêmes dont la couleur leur paraît déplacée,
provoquent la dessication générale des pelouses
et peuplent nos plates-bandes
de plantes qui leur ressemblent
malingres, souffreteuses et très coûteuses.
C’est donc que c’est de la poésie.