Archive pour août 2013

Les soutiens-gorge de la lutte des classes

Dimanche 25 août 2013

Les soutiens-gorge de la lutte des classes dans actualités sans-soutif

«  On pouvait sous son pull voir pointer ses tétons. »
déclara furibond le patron pudibond.

C’est ainsi qu’une femme douce comme un sucre d’orge
Fut chassée pour n’avoir pas mis de soutien-gorge.

Malgré remarques, avertissements et requêtes
L’ouvrière s’entêtait à faire la forte-tête.

Ce genre de fantaisie, d’effrontée singerie,
N’a pas sa place dans une fabrique de lingerie.

Et à la fin cela perturbait le travail
(Laure, il est vrai, n’était pas un épouvantail).

En fait, pour travailler elle mettait une blouse
Et nul ne s’en plaignait, sauf une ou deux jalouses,

Plus le chef qui rêvait la mettre dans son lit.
Les gars de l’atelier par contre étaient ravis.

Jamais un fournisseur, un client de passage
Ne vînt à protester contre ces seins peu sages

Quand par hasard ils les croisaient, mutins et libres,
pendant qu’elle rembobinait le coton en fibre.

Et pourtant le patron n’avait pas du tout tort
De lire la rébellion dans les deux seins de Laure.

Refuser d’arborer le confortable emblème
De l’usine sur son buste pose un sérieux problème.

De l’esprit d’entreprise, c’est un déni flagrant
Voire même une entreprise de dénigrement.

(On ne peut pas, madame, bosser dans cette usine
Et laisser sous son pull deviner sa poitrine.)

Cela s’est passé dans l’Aube, quelque part dans l’Est…
Dès lors, les seins de Laure me furent un Manifeste.

24 août 2013

Comme un ancien portique

Mardi 13 août 2013

Comme un ancien portique dans actualités photo

Dans la douceur violette du soir qui descend
Près des dunes et des mielles qui bordent le rivage
Je suis comme un portique déserté des enfants

Un goéland s’envole vers le soleil couchant
Il décolle en rasant le sable de la plage
Ma charpente accueillante laisse passer le vent

Mes poulies s’entrechoquent, mes vertèbres  se coincent,
Les enfants ont longtemps joué dans mes haubans
Ma carcasse à présent comme un vieux gréement grince

photo-sci dans poème du jour

Je fus un temps pour eux un terrain d’aventure
Un bateau pirate, un trampoline, un banc
Un boxeur, un cheval de tournoi, une monture…

Pendu à la potence que mes épaules font
Comme une balançoire, mon cœur est accroché
Et il cogne toujours, dans ma poitrine, au fond

Mais pour combien de temps ?…  voici l’heure du jusant
La vie a son estran étrange qu’on ne sait
D’avance mesurer… vivre est un jeu usant

Dont ne me lasserai je crois d’ici longtemps…
Des jeunes sur le rivage ont fait une flambée…
Un jour, j’arracherai mes poteaux du ciment

Et le long de la mer vers le soleil couchant
Je m’en irai content, à grandes enjambées
Dans la douceur muette du soir qui descend.

img_0805

« Désolé, c’est la crise »

Mardi 13 août 2013

« Désolé, c’est la crise » dans actualités croisette-cannes

Un cambrioleur, avec un bob sur la tête,
Entre chez un horloger de la Croisette
Et vite fait, bien fait, sans qu’un muscle il se luxe
Vole pour un million de montres de luxe
Puis, plantant là la clientèle surprise,
Il repart en disant :
« Désolé c’est la crise ! »

Après tout, il a fait comme le patron
Qui au conseil d’administration
propose un plan pour délocaliser
Et licencier encore plus de salariés
Puis, devant le comité d’entreprise,
Qui vient s’expliquer en disant :
« Désolé c’est la crise ! »

Il a agi de même comme un ministre
Qui ânonne toujours la chanson sinistre :
« Il nous faut réduire le poids de la dette
et remettre en cause toutes les conquêtes »
Puis, devant les électeurs qui font grise
Mine, qui se justifie en disant :
« Désolé c’est la crise ! »

Il se peut que demain il fasse école
Et qu’on apprenne qu’à Roubaix ou Bandol
D’ordinaires clients d’un supermarché
Sont sortis les bras chargés, sans payer,
Et ont lancé : « Merci pour la remise !
Nous reviendrons… », en disant :
« Désolés, c’est la crise ! »

On verra aussi débarquer dans une banque
Des pères et mères de familles en manque
D’argent afin d’opérer une saisie
Sur des comptes un peu trop remplis.
« La spéculation n’est plus permise…. »
expliqueront-il, en disant
« Désolés, c’est la crise ! »

Ou bien dans une usine de boutons
Les ouvrières séquestrer leur patron
Et puis, à une majorité forte,
Voter pour le mettre à la porte,
choisir elles-mêmes patrons et chemises
et s’autogérer, en disant :
« Désolé c’est la crise ! »