« On pouvait sous son pull voir pointer ses tétons. »
déclara furibond le patron pudibond.
C’est ainsi qu’une femme douce comme un sucre d’orge
Fut chassée pour n’avoir pas mis de soutien-gorge.
Malgré remarques, avertissements et requêtes
L’ouvrière s’entêtait à faire la forte-tête.
Ce genre de fantaisie, d’effrontée singerie,
N’a pas sa place dans une fabrique de lingerie.
Et à la fin cela perturbait le travail
(Laure, il est vrai, n’était pas un épouvantail).
En fait, pour travailler elle mettait une blouse
Et nul ne s’en plaignait, sauf une ou deux jalouses,
Plus le chef qui rêvait la mettre dans son lit.
Les gars de l’atelier par contre étaient ravis.
Jamais un fournisseur, un client de passage
Ne vînt à protester contre ces seins peu sages
Quand par hasard ils les croisaient, mutins et libres,
pendant qu’elle rembobinait le coton en fibre.
Et pourtant le patron n’avait pas du tout tort
De lire la rébellion dans les deux seins de Laure.
Refuser d’arborer le confortable emblème
De l’usine sur son buste pose un sérieux problème.
De l’esprit d’entreprise, c’est un déni flagrant
Voire même une entreprise de dénigrement.
(On ne peut pas, madame, bosser dans cette usine
Et laisser sous son pull deviner sa poitrine.)
Cela s’est passé dans l’Aube, quelque part dans l’Est…
Dès lors, les seins de Laure me furent un Manifeste.
24 août 2013