La France aux quatre vents
Œil clair de l’hiver, soleil froid, le jour abonde
Je n’aurais de l’histoire écrit que quelques mots
Dans ce lieu ouvert aux quatre vents à la ronde
Est-il pour nous trop tard ou bien encore trop tôt ?

Comme on croit au passage de l’oiseau s’envoler
Et qu’un matin nouveau refait le monde à neuf
La belle n’appartient qu’à qui la sait aimer
C’est de vie l’évidence et la preuve par neuf
Marchant sur la colline, le corps traversé d’ondes
J’accueille l’univers que je rêve un champ libre
J’entends en moi vibrer le cœur battant du monde
J’arpente notre Terre, l’habite et me sens vivre
Qui aime, dit-on, il vit dans l’espoir et la crainte
Que la clarté du jour lui file entre les doigts
Comme un rêve au matin que dissipe le froid
Et pour se rassurer resserre son étreinte
Nos rimes qui se croisent, se chevauchent, se suivent
Qu’importe… Tant que dure la chanson… Ah ! Qu’elle vive…
Que batte le tambour maladroit de nos cœurs
Le désamour de nous ne sera pas vainqueur

Une flaque boueuse reflète un ciel d’azur
Ainsi est-il de nous très imparfaits et purs…
Nous avons trop d’amour, amour, est-ce si grave ?
Ce que la nuit salit le petit jour le lave
Nous sommes habitants de cette pauvre Terre
Habitants habités par toute la planète
On voudrait recueillir et soigner sa misère
Mais il ne suffit pas d’avoir le cœur honnête
Le cœur si grand soit-il ne suffit à la tâche
Il y faut une action qui renverse les monts
De la résolution et ne pas être lâche
Il faut plus qu’une idée, une révolution
Du réalisme aussi le sens de l’utopie
Un rêve énorme et beau, simple comme bonjour
Pour un temps l’emporter encore sur l’entropie
Vaincre les égoïsmes et faire gagner l’amour
Comme on croit au passage de l’oiseau s’envoler
Et qu’un matin nouveau refait le monde à neuf
La belle n’appartient qu’à qui se sait l’aimer
C’est de vie l’évidence et la preuve par neuf

De quelle belle parles-tu ? Non, ce n’est pas cela…
Je pense à celle-là géante où nous marchons
Cette terre, ce pays, cette merveille-là
Ce corps où nous vivons et où nous reposons
Celle qui n’est elle-même qu’ouverte à l’avenir
Celle que de tout temps des étrangers aimèrent
Au point parfois pour elle d’affronter le martyre
Résistants, communards et révolutionnaires
Jean-Jacques Rousseau, Jean Paul Marat ou Thomas Payne
Cloots Anarchasis, siégeant à la Convention
Car était membre de la nation souveraine
Tout étranger épousant la révolution
Puis, sous la Commune, le Hongrois Léo Frankel
Elisabeth Dmitriev, qui avec Le Mel
Fonda l’Union des femmes, et Jaroslaw Dombrowski,
L’officier polonais Valeri Wroblewski…

De même, les francs-tireurs, partisans, immigrés
Et français, le colonel Fabien, Spartaco
Olga Bancic, Marcel Rayman dit Faculté
Simon Cukier, Joseph Epstein, Celestino
Alfonso, Joseph Boczov, Missak Manouchian
Louis Grojnowski, Ernest Blankopf, Julius Ritter
Léo Goldberg, Tomas Elek, Boris Holban,
Adam Rayski, Nathan Dyskin, Leo Kneller
Cristine Boïco, Maurice Feferman, Meïer List
Wolf Wajsbrot, Henri Krasucki, Jean-Pierre Brover…
Encore bien d’autres dont il faudrait citer la liste
Internationale qui en ce pays luttèrent
Ouvriers, militants, il en est tant et tant
Artistes ou savants, simples gens qu’on oublie
Qui vinrent vers la France, poussés aux quatre vents
Comme oiseaux apportant leurs plumes dans notre nid
Paul Lafargue, Chopin, Marie Curie, Curiel
Picasso ou Chagall, Apollinaire, Tzara
Senghor, Giaccometti, Ilarie Voronca
Soutine, Supervielle, Ionesco, Montant, Brel…
La belle c’est l’idée que tous se firent d’elle
La femme ou l’idéal, l’art ou bien la patrie
L’image imaginaire qui nous donne des ailes
Et nous aide à grandir… (Ah ! J’en entends qui rient…)
Aujourd’hui elle ne sait à quel saint se vouer
La France éparpillée par les vents du marché
Qui souvent nous fait honte, il faut bien l’avouer
Quand elle oublie le sens du mot fraternités

Les oiseaux migrateurs dans le ciel lèvent l’ancre
Ils ramènent de loin le goût lent des voyages
Le soir descend qui efface leurs pointillés d’encre
Leur étrave tirant le chalut des nuages…
Les oiseaux migrateurs font le tour de la Terre
L’enfant près des labours les voit qui disparaissent
Il voudrait qu’ils se posent pourtant sur cette terre
Ils passent sur le ciel comme de grandes laisses
le 15/11/2013