(A peine les députés avaient-ils voté une loi
pour les mettre hors la loi)
Les gens du village ont déclaré ouverte
la chasse aux putains.
C’est que, pensez-donc, elles font le trottoir
là où il n’y a pas de trottoir :
sur les bas-côtés de la route départementale.
C’est une honte, un scandale,
une déroute de la morale,
une provocation.
Leur simple présence évocatrice est un appel au vice.
Songez, si des enfants passaient par là
et qu’ils les vissent !…
Alors, les hommes du village ont décidé
(pas tous, c’est certain, mais certains)
de se lancer dans la chasse aux putains.
Rassurez-vous, nous ne sommes plus au Moyen-Age ;
pas question de les mettre en cage,
de dresser des bûchers
ni même de les marquer au fer
rouge, ou très peu…
(encore que).
Mais on ne peut pas rester sans rien faire !
Il faut bien que les citoyens bougent
et réagissent.
Alors les hommes du village se réunissent.
Ils enfilent leurs gilets
jaunes fluorescents de sécurité
(car ils respectent les consignes de la police)
et, par groupes de cinq ou six,
les voici qui patrouillent pour chasser les prostituées
qui se font monter
dans les fossés.
Les poursuivant avec leurs camionnettes
ils font fuir dans la garrigue comme des lapins
ces lapines de putains
qui s’en iront tapiner un peu plus loin
jusqu’au petit matin…
Puis, les hommes du village, fiers du devoir accompli,
rejoindront au lit
leurs femmes, qui ne sont pas des putains.
Et parmi eux, certains, excités, c’est certain,
iront un peu plus loin
retrouver les putains.
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