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Archive pour février 2014

Une ronde pour le Nicaragua

Jeudi 27 février 2014

Du 16 au 22 février 2014, j’étais, avec Patricia, invité au festival international de poésie de Granada au Nicaragua. Une belle expérience dans un pays passionnant.

 

volcan

Petit volcan

Du Nicaragua, je te rapporterai un volcan,
tenu en laisse.
Tu pourras le poser où tu voudras,
dans un coin de la cuisine…
Un petit volcan domestique,
c’est utile, c’est pratique
pour faire bouillir la marmite.
C’est très intéressant, aussi,
une véritable attraction
pour les petits comme pour les grands.
Et si tu sais le maintenir
toujours à la bonne température,
en ébullition,
il est possible
qu’il garde sur le feu
l’esprit de la révolution.

Le 15/02/2014

Écoutez Le petit Volcan en français et en espagnol lors de la soirée de clôture du festival

place enfants


Pequeño Volcán

De Nicaragua te obsequiaré un volcán
Manéjalo a tu antojo
Podrás dejarlo donde desees;
en una esquina de la cocina.

Es un pequeño volcán doméstico,
Es útil, práctico
para hacer  hervir la olla a presión
Es muy interesante, también,
una  verdadera atracción
Para  pequeños como para  grandes.

Si lo sabes mantener siempre
en la temperatura apropiada,
en ebullición,
es posible que en el  fuego se conserve
el espíritu de la revolución.

(trad. Cindy Gabriela Acevedo)

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Atterrissage

Nous survolons Managua avec la COPA Airlines.
Dans la nuit la ville brille comme un gâteau de lumières,
un gâteau d’ombre et de lumière qui n’a pas de centre
et que les rues découpent en parts inégales et irrégulières.

Les étoiles habitent sur la Terre.

Comme le dit Ernesto Cardenal  dans un de ses poèmes
de l’époque de la Révolution,
alors qu’il survolait clandestinement son pays
sur le point d’être libéré :
« Nous sommes tous faits de lumière »

Même si parfois,
la nuit est si noire qu’on peut en oublier la lumière

Et même si souvent nous vivons dans l’obscurité
nous venons des étoiles.

Si la lumière des étoiles
met tant de temps à nous parvenir
quand donc, peut-on se demander,
recevrons-nous des nouvelles du futur ?

Mais nous venons des étoiles
et nous gardons tous en nous une étincelle de lumière.
Nous sommes les étoiles qui habitent la Terre.

Et toutes nos existences sur la Terre
même les plus modestes
brillent dans la nuit.

Le 16/02/2014

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artific

 

Un cavalier dans la nuit

Sur le bord de la route qui part de l’aéroport
soudain j’ai vu surgir dans la nuit
un cavalier blanc
sur un cheval blanc
un cavalier galopant dans la nuit noire.

Il file dans une autre dimension
parallèle aux voitures
peu nombreuses ce soir
qui foncent dans la nuit.

Vers où chevauche-t-il dans la nuit noire
et sous la lune encore ronde,
ce cavalier blanc sur son cheval blanc ?

Il passe devant le rideau des arbres qu’on devine
à peine comme des fantômes.
Et il passe comme un fantôme
dans la nuit noire où nul ne voit
les fleurs jaunes de l’arbre malinche
ni les détritus sur le bas-côté…
Il galope dans la nuit noire où nul ne voit
les barrières des ranches,
les pauvres baraques aux toits de tôle ondulée,
le centre commercial fermé à cette heure,
l’enseigne du garage qui rechape encore les pneus,
les quincailleries des « ferreterias »,
ou l’échoppe minuscule de la « pulperia », l’épicerie locale…

Il file sur son cheval blanc dans la nuit noire où nul ne voit
ni les slogans défraîchis de la révolution,
ni les panneaux publicitaires de toutes les couleurs,
ni le rouge ni le noir des inscriptions sandinistes sur les pylônes,
ni les sigles de l’opposition…

Où s’en va-t-il ce cavalier dans la nuit noire ?
Il vient du passé et il va vers le futur…
Derrière lui courent les chiens de la nuit
et lui galope vers les premières lueurs de l’aube.

se vende

Ortega

 

Le pays de l’amour

- Le connais-tu, ma chérie, le pays de l’amour ?
- Tous les pays, mon amour, sont des pays de l’amour.

Mais pour l’amour au Nicaragua
il faudrait une mention spéciale
car ici, l’amour est omniprésent.

L’amour est sur les affiches de la Saint Valentin
qui est une fête nationale.

L’amour est dans les chansons
qui donnent au petit pays un diminutif,
et l’appellent tendrement : « Nicaragüito ».

L’amour est dans les discours des révolutionnaires
et dans les prêches des curés
sur le sacré cœur du Christ
et l’amour du prochain.

L’amour, dans les poèmes de Cardenal, est partout
du Big bang à la révolution…
L’amour est pour lui la force qui pousse à s’unir.
L’amour est dans l’attraction terrestre
comme dans le chant des oiseaux
et peut-être aussi dans les alizés
qui passent, en nous caressant,
et rendent, en cette saison sèche,
la chaleur supportable.

L’amour est aussi dans le petit objet vert
en palmes tressées,
la sauterelle baptisée « Speranza »
que te laisse le gamin des rues
en te souhaitant « buena suerte »
ou dans le cœur percé d’une flèche
qu’il te propose pour quelque pièce.

L’amour est même dans l’offre
de la jeune prostituée
qui t’invite à passer un moment avec elle
et qui, comme tu refuses aimablement, te demande
d’accepter
parce qu’elle doit s’occuper de son enfant…

Car ici comme ailleurs
(et peut-être plus encore qu’ailleurs)
l’amour aide à vivre
et à survivre.

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Les ailes de l’ange

Près des allées défoncées du Marché municipal de Granada,
la vieille ville coloniale,
tout près des étals où sont allongés
des poulets décapités
et où s’entassent les oranges vertes
et les bananes plantains,

j’ai vu, dans l’obscurité
misérable d’une boutique étroite
à l’enseigne du « Jardin del novio »,
une paire d’ailes accrochées au mur.

Ce sont des ailes en organza
doublées de broderies,
renforcées de carton et amidonnées
qui sont destinées aux robes des communiantes.

Bien sûr, je ne connais pas les jeunes filles
au doux profil de métisse
qui auront bientôt le droit d’enfiler la chasuble blanche
mais j’espère que ces ailes
ne les mèneront pas au ciel.

Et qu’elles ne les empêcheront pas de marcher d’un pied léger
sur les chemins chaotiques de la Terre.
Car parfois, les  ailes sont à ce point encombrantes
qu’elles gênent pour marcher.

(Mais sans doute suis-je peu qualifié
en matière d’ailes
comme de jeunes filles
et j’ai peu de relations avec les anges).

Mais je sais que les miracles sont possibles…
Ici la même religion qui si souvent
a maintenu les pauvres dans l’obéissance
par crainte de l’au-delà
les a poussés à se rebeller
dans l’espérance de la victoire
du royaume de dieu sur la Terre.

Ainsi,
peut-être les ailes
peuvent-elles parfois
aider à s’envoler…

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Le carnaval de la poésie

C’est le corbillard qui conduit le cortège
(Celui-là même que nous avons vu deux jours auparavant,
conduit par un couple de rosses efflanquées
qui attendaient la fin de la cérémonie devant l’église
pour conduire le défunt
à sa dernière demeure).
Sur une couronne mortuaire est écrit :
« Viva la poesia »
et sur l’autre : « Viva la libertad ».
La vie aujourd’hui a mis
le masque de la mort
pour s’en moquer peut-être
ou pour la conjurer.
Sous les déguisements des sorcières et des démons
se cachent des jeunes filles.
Quand elles soulèvent leur masque
pour boire au goulot d’une bouteille d’eau,
on dirait les antiques statues indiennes
des guerriers aux casques de jaguars
qui reviennent à la vie.

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Des jeunes femmes-papillons font voler leurs jupes
et des garçons défilent habillés en filles.
C’est le carnaval de la poésie
où chacun change de rôle
et s’invente un personnage.
(A l’école, les enfants m’ont demandé si les poètes,
comme eux aussi, portaient un uniforme.
Je leur ai dit que « Oui ».
Mais c’est à chaque poète de se l’inventer).
Sur les trottoirs on vend des boissons
dans des sachets transparents de plastique,
de la glace râpée et des chips à la banane
ou des billets du Loto.
Un chien pelé se mêle au défilé.
(Ici les chiens sont maigres.
Ce sont les chiens d’un pays pauvre).
Des écoliers, pour une après-midi transformés en entomologistes,
collectent les insectes exotiques
des signatures des écrivains invités
pour les enfermer dans leur cahier.

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Et les poètes, juchés sur les chars,
à chaque carrefour
clament leurs vers dans le brouhaha
et l’attention générale.
Partout dans la ville des banderoles
reproduisent les vers orgueilleux de Ruben Dario
« Tours de Dieu ! Poètes ! Paratonnerres célestes ! »
Et moi, qui ne me suis jamais imaginé
ni en paratonnerre,
ni en tourelle du Seigneur,
je partage la joie commune.
« Cela n’a rien à voir avec la poésie »
diront les esprit chagrins…

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Et pourtant…
A la fin du défilé, la foule jette dans l’eau
de la mer intérieure du lac Nicaragua
le cercueil de la violence et de la mort.
(Ainsi, ils vengent Orphée).
Aujourd’hui, la poésie manifeste dans les rues
qu’elle ne devrait jamais
trop longtemps quitter.
En descendant dans la rue
la poésie ne s’abaisse pas ; elle s’élève.
La poésie, c’est la vie
quand elle s’offre des ailes
et se met à chanter.

(Le 21/02/14)

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Le collier des lacs et des volcans

« Du Nicaragua, je te rapporterai
un petit volcan… »
(Il y en a tant
que si j’en emporte un
personne peut-être ne s’en apercevra).

Des volcans ici
il en est de toute sortes.
Volcans éteints ou endormis,
volcans en activité
emplumés de fumée blanche,
volcans qui  ne dorment que d’un œil
toujours prêts  à se réveiller…

A moins que je t’offre un lac bleuté
(Certains se bien payent des îles…)
C’est qu’il y a aussi ici des lacs immenses et de toute beauté…

De près, leur eau est noire
(comme le sable qui descend des volcans).
Mais à peine t’éloignes-tu du bord
qu’ils se changent en miroirs
et reflètent le ciel.
Lacs bleus et volcans bleus
légers dans le lointain…

On dit que dans leurs eaux croisent des squales
d’eau douce, requins bouledogue
dont les mœurs  n’ont rien de doux…
Et des poissons carnivores
aux lèvres pulpeuses
et fardés comme des entraîneuses…

Je n’en ai pas rencontrés
quand je m’y suis baigné.
Je n’ai pas vu non plus
de jaguars, ni de pumas
de singes hurleurs, de scorpions ni de mygales.

(Ici il n’y a qu’un pas
du paradis à l’enfer
dont l’entrée se situe dans la bouche des volcans
où soufflent le feu et les vapeurs du soufre).
Abîme des volcans
où la dictature autrefois
jeta des opposants.

Mais ce temps est passé
et avec son collier
de lacs et de volcans
cet endroit
(comme tous autres)
pourrait être,
sinon un  paradis peuplé de roses,
du moins un pays bleu,
un arbre lumineux de vie,
donnant pour tous de vrais fruits,
quelque chose
comme un  jardin céleste sur la Terre.

(Le 24/02/2014)

Volcan pat

Managua – Granada – Aubervilliers

Petit imagier : Au peuple des piétons

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Engels, le Bon Compagnon

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Mon dernier papier dans Cerises : Engels, le bon compagnon.

Karl Marx;Friedrich Engels