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Archive pour juillet 2014

La compagnie des papillons

Mercredi 30 juillet 2014

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La compagnie des papillons

Un grand papillon orange et noir
est venu se poser sur ton épaule
alors que nous étions assis dehors
puis il s’est envolé
(infidélité du papillon)
Mais il est revenu
(fidélité du papillon)
Trois fois il s’est posé sur ton épaule
un long moment
avant de s’envoler à nouveau
vers une fleur
ou une papillonne
Pour le retenir
tu ne l’as pas attrapé au filet
transpercé d’une aiguille
et collé sur une planche
Tu n’as pas non plus comme certains
fait percer ton épaule
avec l’aiguille du tatoueur
(et tu as bien fait)
Il te suffit
d’un regard pour le garder.

La maison aux hirondelles

Mercredi 23 juillet 2014

maison hirondelles

La maison aux hirondelles

Quand vient le temps des jours cléments
Allons dans la maison des champs
Où vont nicher les hirondelles
à tire d’aile

Les vieilles gens qui là vivaient
Avaient pour les laisser passer
Percé la porte de l’entrée
d’un trou carré

Et les voici, vives, fidèles
Il ne manquait presque plus qu’elles
Pour que revienne le beau temps
toujours enfant

Vire-volant dans l’air du soir
Leur nid est sur la poutre noire
De l’ancienne salle à manger
elles vont en paix

Si elles ont choisi votre toit
On dit que c’est gage de joie
Ainsi soit-il chez nous ma belle
aux hirondelles.

Pour une enfant palestinienne

Mardi 22 juillet 2014

Palestine

 

Pour une enfant palestinienne
Elle est née dans un pays prisonnier entre le ciel et la mer.
Elle a appris à jouer sur l’étroite bande de terre
enfermée derrière des barbelés.
Elle aime sans doute les poupées, les robes et les livres
et elle rêve de devenir docteur.
Elle a dix ans,
Elle est née et a grandi sur une langue de terre surpeuplée
qui se soulève vers le ciel
Mais jamais elle n’a connu la liberté des nuages.
On l’a conduite en urgence à l’hôpital
un éclat d’obus dans l’oreille.
(Comparée à d’autres, elle a eu de la chance)
Elle a été blessée lors de l’attaque terrestre.
D’autres ont été tués
resteront paralysés toute leur vie
ou ont perdu leurs parents sous les bombardements.
Comme eux, elle a grandi à Gaza, dans le pays transformé en camp,
dans le ghetto, la réserve des Palestiniens
où régulièrement l’occupant tue des otages au hasard.
Ne lui racontez pas d’histoire,
elle ne vous entendra pas.
Ne lui racontez pas le mythe de David et Goliath.
El Jalout, le héros des Philistins, est un géant désarmé
Et ce n’est pas une fronde que David a dans la main
mais des chasseurs bombardiers, des drones, des fusées téléguidées, des tanks
et elle sait que ce n’est pas Dieu qui a armé son bras
mais l’Amérique.
Hier elle rêvait de devenir docteur
Aujourd’hui elle veut fabriquer des roquettes
pour tirer sur Israël.
(Qui sème la mort récolte la haine.)

le 22/07/2014

Gaza (juillet 2014)

Jeudi 17 juillet 2014

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Reportage sur la beauté dans une usine occupée

Mardi 8 juillet 2014

Vendredi 4 juillet, les salariés de Fralib (Gemenos dans les Bouches-duRhône) fêtaient leur victoire après 1 336 jours de lutte contre la multinationale Unilever. Ils sont en train de créer leur coopérative. Ils m’ont invité à dire des poèmes dans l’usine à cette occasion.

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Reportage sur la beauté dans une usine occupée

aux salariés de Fralib

Il y a les monts calcaires du Garlaban, à la couronne gris claire où l’incendie a dévoré pins et chênes lièges et qu’envahit maintenant la garrigue, la ciste et le romarin, la lentisque et le serpolet

Il y a tout autour de l’usine les cigales qui n’ont pas d’états d’âme, les cigales que rien ne désespère, que rien ne décourage, les cigales qui  sont des modèles de détermination

Il y a au-dessus de nous un ciel qui ne sait pas encore quel parti choisir et qui hésite entre le gris et le bleu, entre le soleil et la pluie, avec quelques grosses gouttes qui commencent à tomber et qu’on n’a pas invitées mais qu’on accueille quand même  parce qu’elles vont faire du bien

Il y a des drapeaux rouges à l’entrée et les voitures qui doivent montrer patte blanche

Il y a un peu partout sur les murs de l’usine peints au pochoir des portraits du Che

Il y a aussi dans un coin un éléphant débonnaire qui a choisi son camp

et une inscription « Unilever – Univoleurs »

Il y a des joueurs de boule dans la cour sur le terrain aménagé par les grévistes car ici la vie et le plaisir n’ont jamais démissionné

Il y a dans les ateliers  des belles endormies qu’on a voulu démembrer, des belles très coûteuses et perfectionnées qui dorment avec leurs grands bras dépliés au-dessus de leur tête
des trémies, des vis sans fin, des chaînes pour ensacher, des robots pour trier, des rails roulants qui font le tour des ateliers pour transporter  en l’air les ballotins jusqu’au hangar où ils seront palettisés

Il y a tout cet être immense qu’on a voulu tuer, ces belles endormies  puissantes et compliquées qui peuvent produire jusqu’à trois milliards de sachets par an
et qui attendent maintenant le signal de leurs nouveaux maîtres
qui sont aussi leurs servants

Il y a ces machines qui sont le cœur de l’usine, ces machines aujourd’hui silencieuses qui montent à 80 décibels quand elles tournent, ces machines pour lesquelles vous avez du respect, que vous aimez même et dont vous prenez soin

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Il y a encore, après trois ans d’arrêt, flottant dans l’air, une discrète odeur de thé, et parfois  d’écorce d’orange, comme un souvenir qui ne veut pas se dissiper
et une promesse de résurrection

Il y a dans un hangar des ballots de parfums artificiels avec le pictogramme d’un poisson menacé de mort, car pour les capitalistes les parfums artificiels sont plus rentables

(Mais vous qui êtes du pays des sourciers et des senteurs, vous voulez remettre en route la grande soufflerie où s’ouvrent les feuilles de thé pour l’aromatisation naturelle. A la course sans fin aux profits, drôle d’idée, vous préférez la nature et la qualité)

Un peu partout dans l’usine, il y a des papiers collés avec les 101 raisons de lutter dont il faut faire le tour comme un jeu de piste
et la première est la fierté, la deuxième, la dignité…

Il y a partout dans l’usine des T. shirts rouges, blancs et noirs clamant fièrement que vous avez tenu 1336 jours
Il y a Olivier, Gérard et tous les autres
Il y a Chantal, solidaire, qui dit « En quatre ans, ce qu’ils ont pu nous faire faire… »

Il y a ici beaucoup d’histoires
Comme le jour où il a fallu dégager les nervis de la multinationale qui avaient envahi le site, armés de cannes de combat

(car ici l’histoire et le récit n’ont pas été congédiés)

Il y a celle qui a continué à travailler aussi longtemps qu’elle a pu, pour ses raisons de femme dit-elle, et qui aujourd’hui s’occupe du repas de ses camarades grévistes

Il y a aussi une jeune fille d’origine tunisienne qui porte le prénom de Rim (un beau prénom pour un poème) et qui se tient droite et fine comme un herbe au printemps, comme un peuplier,
Elle était précaire et la voici maintenant chez elle

Elle a un micro sans fil attaché à l’oreille, prête à jouer la pièce écrite par les grévistes

Il y a ici le passé qui n’est pas encore tout à fait passé
Il  y a le futur qui est une nouvelle pièce qu’il va falloir écrire
Et il y a le présent, la lumière du présent, la joie partagée de la victoire et  des idées qui tournent dans les têtes comme un chant de cigales

Hier, vous étiez pieds et poings liés à bord d’une diligence emballée qui roulait vers le précipice, mais vous avez tiré sur  le frein et vous avez pris les rênes de l’attelage 

Vous étiez enfermés dans la soute, dans la salle des machines mais vous êtes montés sur le pont et vous avez pris les commandes du vaisseau

Au milieu de vos collines ensoleillées vous avez fait ce qu’il faudrait faire sur la Terre entière…

Ici le mot d’ordre de Rimbaud, « Changer la vie », n’a pas été mis au rebut, parmi les expériences ratées, les idéaux abandonnés et les pièces défectueuses qui ne peuvent plus servir

Rimbaud qui disait que le poète était « rendu au sol avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étreindre »

La poésie est toujours du côté de ce qui n’a pas de prix
elle est du côté de la vie
elle est avec ceux qui ne se résignent pas
aujourd’hui, elle a rendez-vous avec ceux qui luttent

Aujourd’hui, camarades, la beauté est de votre côté

Nous ne vivons pas un présent sans futur.

le 5/07/2014

dans usine