Voici l’adaptation que j’ai faite de trois poètes de la dynastie T’ang (618 – 907)
Li Bai
(Li Po)
(701-762)
Matin d’ivresse
Puisque vivre en ce monde est le songe d’un songe
Pourquoi perdre son temps en vains travaux ?
Je passe ma journée à m’enivrer
et je dors affalé près du pilier du seuil
Au réveil je regarde par-delà le perron
Un oiseau chante au milieu des fleurs
« Dis-moi, sais-tu quelle est la saison ? »
« Dans le vent du printemps chante le loriot »
Emu je m’apprête à pousser un soupir
mais voyant le vin je remplis ma coupe
puis je chante en attendant le clair de lune
Et ma chanson finie, ne pense plus à rien…
Du Fu
Voyage nocturne
Le vent joue dans les herbes au bord de l’eau
Mon bateau glisse dans la nuit, son mât dressé
Sur la plaine à l’infini s’étendent les étoiles
La terre est bercée par le Grand fleuve
Mes écrits rendront-ils un jour mon nom célèbre ?
Malade et vieux, je dois me retirer
Balloté par les vents ne suis-je pas semblable
à la faible mouette entre ciel et terre ?
Bai Jiu Yi
(Po Kiu-yi)
(772-846)
Le vieux charbonnier
Dans les monts du sud, il abat le bois et le brûle pour en faire du charbon
le visage couvert de cendres, la face brûlée par la suie et le feu
les tempes grises et les mains noires.
Le charbon qu’il vend, que lui rapporte-t-il ?
juste de quoi manger et se vêtir.
Malheureux, alors que ses vêtements sont si peu épais
craignant le bas prix du charbon, il espère qu’il fera froid !
Cette nuit il est tombé un pied de neige hors de la ville ;
Dès l’aube, il attelle sa charrette qui cahote dans les ornières glacées.
Le bœuf est las, l’homme affamé, le soleil déjà haut.
A la porte du sud, près du marché, il fait halte dans la boue.
Mais qui sont ces deux cavaliers si fringants ?
Un émissaire à tunique jaune et un jeune en habit blanc.
Un avis officiel en main, par rescrit impérial
ils ordonnent de faire demi tour vers le palais au Nord.
Dans la charrette, plus de mille livres de charbon.
Les mandarins l’ont réquisitionné, à quoi bon se plaindre ?
Une demi-pièce de soie d’environ dix pieds de long
nouée aux cornes du bœuf, c’est tout ce qu’il aura pour le charbon !