Le matelas abandonné

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Le matelas abandonné


C’est l’été
la saison où d’ordinaire on abandonne son chien
attaché à un arbre sur la route des vacances,
ses vieux parents ou ses petits enfants.
En bas de chez moi,
profitant du fait que la ville avait le dos tourné,
que les arbres clignaient des yeux sous le soleil,
et que les gamins dans le jardin public
jouaient à la marelle avec les jets d’eau
ou couraient après les pigeons,
quelqu’un a abandonné son matelas.
Il gît maintenant sur le trottoir
le ventre en l’air,
un peu étripé aux coutures,
et à tous il offre sans pudeur le spectacle de sa nudité
aux taches douteuses.
Pourtant, pendant des années, il a servi honnêtement.
Il a accueilli des nuits de sommeil réparateur
et des nuits d’insomnie,
des rêves et des cauchemars,
des étreintes, des amours
quelques disputes aussi
et n’a jamais rien dit.
(Il a même fait ce qu’il pouvait
pour étouffer les grincements du sommier).
et voici qu’on le jette à la rue
sans plus d’égards,
comme un travailleur au noir,
un ouvrier sans papiers.
Il va pour un temps rejoindre le sort
de ceux qui dorment dehors,
le plus souvent sans matelas —
Jusqu’à ce qu’un camion de la voirie
prenne soin de lui
et l’emporte à la déchetterie.

le 3/08/2014

Une réponse à “Le matelas abandonné”

  1. nicolas aury dit :

    j’aime bien ce poème du temps réel. il pourrait y avoir une autre issue…celle d’une rencontre avec un chariot de supermarché, lui aussi abandonné après une course ou une poursuite, et qui se prendrait d’affection pour le matelas…

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