Archive pour avril 2015

Ballade pour un jeune SDF en la bonne ville de Blois

Samedi 18 avril 2015

Concours de Blois


Ballade pour un jeune SDF 
en la bonne ville de Blois

Je meurs de soif auprès de la fontaine
Tel un mendiant assis près d’une banque

Misère trop sûre rend ma vie incertaine
Au vu de tous, en plein vent je me planque

Pauvre me tiens au milieu des richesses
J’ai l’esprit clair au point que j’en suis branque

Jeune je suis et perclus de vieillesse
Si je me lève par terre on me reflanque

Mon avenir ressemble à mon passé
Cheval fourbu je languis et m’efflanque

Comme au désert je suis dans la cité
Je meurs d’aimer pourtant l’amour me manque

Le temps présent me semble un Moyen-Age
Ce temps vaut-il mieux que l’époque franque ?

Fièvre j’endure au milieu des grands froids
Dure est la loi pour qui n’a compte en banque

Sans espérance et la vie devant moi
Pour qui a tout c’est que je suis en manque

Ma liberté est ce qui m’emprisonne
Seul et sans frère, il me reste la haine

Si je dis vrai c’est que je déraisonne
Je meurs de soif auprès de la fontaine.

(in La France aux  quatre vents, préface Jean Ristat, Le Temps des Cerises 2015)

Quelques oranges du Maroc

Lundi 6 avril 2015

Du 19 au 22 mars nous étions à Safi au Maroc pour participer au troisième festival de poésie organisé par la fondation Al Kalima.

1 - oranges Safi 2

Quelques oranges du Maroc

Venus de l’ouest
Les nuages chargés de pluie
Montent à l’assaut du port de Safi
Avec leurs chaussures de plomb.

Près des poubelles et des chaises
Rouges en plastique, posées sur le trottoir
Les orangers accrochent à leurs branches
Les petits soleils de leurs lampions.

*

Aïn, un même mot  arabe
Désigne la source et l’œil.
Aïn, mon amour blessée,
Aïn, mon œil, ma source,
Jamais trop, jamais assez.

2 - Aïn sanglant

*

Dans la grande salle du café-restaurant
Court en riant un petit garçon qui répète à tout vent
Un mot, « Soleil », le seul
Que peut-être il connaît en français,
« Soleil ! », « Soleil ! »

*

Fumer un cigare
À la terrasse d’un café
Dans un port du Maroc,
Accueillir le monde qui traîne dehors
Et nous fait de l’œil.
Savoir que ça ne dure pas toujours
En profiter encore…
Prendre le soleil
En laisser pour les autres…

Dure vie que la vie de poète…
(Mais chacun devrait pouvoir
Subir le même sort.)

3- vie de poete 2

*

Ce matin en me levant
J’ai vu une mouette qui attendait
Posée sur le lampadaire
devant la fenêtre de la chambre.
Mais au moment de la photographier
Elle s’est envolée.

Tant pis pour elle.
Elle ne sera pas immortalisée.

*

« J’ai laissé mon ego à la maison
Car il ne rentrait pas dans ma valise »
Dit en guise de plaisanterie
Le poète espagnol.

Tous les poètes portent pourtant de grandes valises
Et ils les ouvrent sur les places pour en sortir
Devant les badauds et les amateurs de beauté
Des foulards de couleur.
Puis, quand ils veulent les refermer
Ils emportent chez eux, plus ou moins malgré eux,
Un peu du linge sale de l’humanité
Qu’ils ne savent pas comment laver.

4 - attelage Maroc

*

Un mendiant barbu et un peu foua
(Paraît-il, un ancien professeur)
S’approche de nous
« Être ou ne pas être
Telle est la question »
Répète-t-il…
Cette question d’Hamlet
Est toujours et tous les jours celle
D’une bonne partie de la planète.

*
6 - bélier

Nous vivons dans un abattoir
Où les hommes comme des moutons
Se font égorger.

Le sol est glissant :
Argile gorgée de sang.

La Terre tourne de plus en plus vite sur son tour…

On recherche d’urgence
Potiers hautement qualifiés.

5 - potier

*

19-22/03/2015