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Un manifeste pour le printemps

Lundi 20 mars 2017

Un manifeste pour le printemps
(fragments)

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1.
Voici le retour du printemps
toujours en avance ou en retard
toujours à contretemps

Il y a dans l’air un frisson, une turbulence
une effervescence de désir

Tout semble à nouveau sur le point d’aimer

Ce printemps,
qu’allons-nous en faire ?
Le gaspiller, comme à notre habitude ?

Ou encore rajeunir ?
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2.
Chaque jonquille jaillie du sol
est un pistolet
qui tire le coup de feu
de son petit soleil jaune
sur la ligne de départ du printemps.

3.
Le printemps cette année est arrivé furtif

La poitrine du périphérique se soulève
Elle cherche à happer l’air
Au milieu des embouteillages
elle respire une odeur
inattendue de sureau

Il y a dans le vent un goût d’anis

entré par effraction par la vitre baissée

Un type mendie, assis sur la rambarde de sécurité

au milieu des gaz d’échappement

Sur le talus, au milieu des détritus
fleurit

sans que personne
ne le lui ait demandé
un buisson de fleurs orangées

(Pas prévu dans le programme de la journée
il nous fait le cadeau de sa surprise).
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4.
Station Stalingrad
les piles du métro aérien se mettent doucement à vibrer

La matinée oscille

Un chien
et un enfant, avec un skate-board, traversent la rue

Le jour pousse légèrement les immeubles de l’épaule
pour faire un peu de place sur la place

Le ciel déménage
les armoires des nuages
aux étagères chargées de bouteilles de lait
qui tintinnabulent

L’eau pétillante du ciel bleu nous envahit
et menace de déborder

C’est un beau temps pour aimer

« Le printemps, le moment idéal,
dit Raymond, pour perdre sa fleur… »

Même les voitures font un bruit de source

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5.
Au-dessus de la rue
entre deux immeubles
passe un nuage blanc

Il porte une miche de pain
à la mie bien fraîche et blanche
et une salière

pour te souhaiter
à toi qui viens d’ici
ou bien d’ailleurs
la bienvenue

6.
Un peu avant six heures
les merles se mettent à chanter

Tu les entends
pendant que passe le café

Les merles sont matinaux
dès l’aube, déjà en voix
(Pas besoin de se racler la gorge
comme les corbeaux)

Leur chant
que nous ne comprenons pas
nous parle pourtant

Avec leurs modulations
changeantes comme les mots dans une phrase
ils nous disent
le plaisir de vivre
et d’avoir des congénères

Un merle suffit
à faire chanter la rue

(Un merle ou plutôt deux).

7.
Les jonquilles que l’on vend au coin des rues
sont des fleurs de modeste vertu.
Elles se contentent d’annoncer
comme chaque année
le retour des beaux jours.
Si de mes poèmes
c’était la seule chose
qu’on retenait
je crois
je m’en contenterais…

8.

Essayer de dire le monde avec des mots neufs

Mettre de nouveaux habits

Refaire les papiers peints de notre univers

Se débarrasser de la peau morte qui nous colle au corps

Faire sa mue

comme les lézards

Se débarrasser des yeux gris

la cataracte de l’accoutumance

9.
Nous anime un désir toujours vain
et qui revient toujours
de renaissance

Orphée
qui tente
toujours défait, jamais vaincu
de conjurer la mort

La poésie est toujours
propagande pour le printemps

10.
Le printemps est incorrigible.

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