Pomme je suis, le ver en moi
Joyeusement fait son office
Et ce que, terrible, de moi
Ici je dis, parlant à tous,
Je pourrais de chacun le dire
Le soleil sur ma joue se joue
Au milieu des gouttes de pluie
Et puis s’en va s’en vient le vent…
Marchant dans l’herbe j’ai trouvé
Une pomme à moitié rongée
Pomme encore verte abandonnée
Qu’un coup de vent a fait tomber
Avant son heure de son pommier
Elle a pris un coup sur la joue
Etalée la pomme est talée
Mais d’un ver elle fait bien l’affaire
Qui creuse un tunnel dans sa chair
Quand d’autres en seraient dégoûtés
Certains la trouvent à leur goût
(Il en va de même pour nous)
La croisant je pense à ses sœurs
Luisantes, rondes, calibrées
Lisses, bien rouges, vertes, dorées
De la grande distribution,
Pauvres pommes conditionnées…
Ce sort nous sera épargné,
Nous sommes pommes qu’on délaisse
N’avons ni prix ni pedigree
Nul comice ne nous prima
On ne nous vend pas à la tonne
Puissions-nous pourtant mes chères sœurs
Pommes sauvages, acidulées
Trouver preneur… Moi, vif ou mort
J’espère avoir du goût encore
Pour qui voudrait croquer dedans.