La nuit est une myrtille
Il y a entre nous un oiseau dont tu peux sentir battre le cœur
et qui envoie en morse des messages irréguliers
Nous voyageons dans des trains et nous passons des ponts au-dessus des fleuves quelque part vers le Sud ou bien L’Est
Les amoureux sont rangés dans leurs draps comme des cuillers endormies
Mais le sommeil nous fuit, la mélatonine nous fait des infidélités
Il y a toujours dans la tasse de nos nuits un peu de sucre au fond qui n’aura pas fondu
et les mots tournent en vain, électrons désorbités qui s’échappent dans le vide interstellaire qu’habite la matière… Nuages moléculaires, vents solaires, champs magnétiques
poussière de graphite condensée en quelques notes échevelées prises dans les pages du carnet qui repose sur la table de nuit et qui seront illisibles demain matin
La nuit est une myrtille qui renferme son obscurité dans un tiroir secret
Il ne s’y cache pas de lettres perdues mais l’agitation silencieuse des électrons dans la galaxie
Je ne suis pas jaloux des rêves que tu fais ni toi non plus des miens
Nous voyageons ensemble et séparés pourtant par le sommeil et l’insomnie
L’être humain dit-on est toujours seul sur Terre, mais il ne devrait pas
toujours et jamais seul, ni dans ses craintes ni dans ses désirs, toujours et jamais seul, ni dans ses bras ni dans les bras des autres, ni dans sa vie ni dans sa mort, ni dans la veille ni dans le sommeil
L’être humain sur la Terre est toujours seul, mais il ne l’est jamais
C’est dans la nuit du sommeil et de l’oubli qu’il se retrouve
qu’il s’éparpille comme graines dispersées
qu’il se rassemble et se recueille
La nuit des solitaires est amère comme un voyage sans port et sans raison, une baie empoisonnée
Notre nuit en commun sur la Terre est douce
comme une myrtille
(nuit du 10 au 11 octobre 2019)
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