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Archive pour janvier 2020

Un fossile pour les temps présents

Mardi 28 janvier 2020

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Dans le ciment frais du trottoir
un oiseau a laissé son empreinte
comme un fossile improvisé,
preuve qu’il y a encore
de la vie sur Terre
et des oiseaux en ville.

« Mon père est un peu fou », se dit mon fils
(lourde hérédité…
plus lourde
que l’héritage ne le sera jamais)

Mais ces choses sans importance
ont une valeur pour moi.

C’est par elles
que nous parle à l’oreille
la ville bruyante
et muette,
la ville aux milliers de têtes
et qui n’a pas de tête
la ville qui parle des centaines de langues
et qui n’a pas de langue

C’est par elles qu’elle nous crie
ou qu’elle nous murmure
son histoire secrète

Ou que nous allions
par les rues de notre cité
la ville nous raconte
une histoire d’abandon

Il y a partout sur les trottoirs
des choses que les gens laissent traîner
un matelas,
un pack de lait crevé,
une roue de vélo,
une télé…

Dans ce pays
où tant de choses manquent à tant de gens
tout déborde
tout se répand devant les portes
les poubelles
les containers pour le verre
les entrepôts et les commerces

Les détritus s’amoncellent
et menacent l’existence
frêle de la fleur de pissenlit
de la beauté
et de la vie

Mais dans le ciment frais du trottoir
un oiseau a laissé son empreinte
comme un fossile improvisé,
preuve qu’il y a encore
de la vie sur Terre
et des oiseaux en ville.

le 26/01/2020

Das Lied von der Moldau – Bertolt Brecht

Samedi 18 janvier 2020

Brecht

Le Chant de la Moldau

Au fond de la Moldau roulent les galets
Trois empereurs dans Prague gisent enterrés.
Nul grand ne reste grand, ni petit le petit.
La nuit compte douze heures et puis voici le jour.

Changent les temps. Et les plus gigantesques plans,
Des puissants  à leur tour finissent par échouer.
Et qu’ils s’en aillent, paradant, comme des coqs sanglants,
Changent les temps ; nulle puissance n’y peut rien.

Au fond de la Moldau roulent les galets
Trois empereurs dans Prague gisent enterrés.
Nul grand ne reste grand, ni petit le petit.
La nuit compte douze heures et puis voici le jour.

Trad. Francis Combes
Galets

Das Lied von der Moldau

Am Grunde der Moldau wandern die Steine
Es liegen drei Kaiser begraben in Prag.
Das Große bleibt groß nicht und klein nicht das Kleine.
Die Nacht hat zwölf Stunden, dann kommt schon der Tag.

Es wechseln die Zeiten. Die riesigen Pläne
Der Mächtigen kommen am Ende zum Halt.
Und gehn sie einher auch wie blutige Hähne
Es wechseln die Zeiten, da hilft kein Gewalt.

Am Grunde der Moldau wandern die Steine
Es liegen drei Kaiser begraben in Prag.
Das Große bleibt groß nicht und klein nicht das Kleine.
Die Nacht hat zwölf Stunden, dann kommt schon der Tag.

Bert. Brecht (« Schweyk im Zweiten Weltkrieg »)

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Une histoire de fesses exemplaire

Samedi 11 janvier 2020

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Une histoire de fesses exemplaire*

(poème didactique)

Cette histoire se passe, il y a longtemps… Ailleurs…
Les années quatre-vingt… (C’était avant Mee Too).
Dans l’Est de la France, pays d’étranges mœurs,
loin d’Hollywood, des frasques de son Manitou.

« Un Picon-bière, pour la une, et un café-noisette !
Un pastis pour la deux, avec des cacahuètes ! »
Chaque fois que Marie revient vers le comptoir
pour vider son plateau ou prendre un petit noir
elle redoute une main baladeuse… Freddo,
le patron, aime trop (« Aïe ! ») le bas de son dos.

Il est des hommes qui, croisant une paires de fesses,
à défaut d’y croquer, non seulement, se rincent
l’œil, mais, esquissant une furtive caresse
y portent la main, ou chose étrange, les pincent.

main aux fesses

Bien qu’ayant ce qu’il faut pour faire une starlette
Marie se fiche pas mal de Los Angeles
Elle en a surtout marre d’avoir des bleus aux fesses
Et qu’on la prenne pour une espèce de côtelette
Alors, elle décide d’en parler avec ses potes
Et les voici un soir, dans un bar, qui complotent.

(Quand vous passez devant l’étal d’un épicier
et que vous trouvez appétissante une pomme
vous n’allez pas d’ordinaire, brutal, vous jeter
dessus. Et, de plus, les femmes, ne sont pas des pommes !)

Marie s’est fait porter pâle… Plus de serveuse.
… « Un lait-fraise en terrasse et une bière mousseuse ! »
C’est Freddo qui s’y colle et qui fait le garçon.
Mais chaque fois qu’il passe, une fille, un garçon,
ignorant les façons des gens civilisés,
cyniques, sans pitié, lui pincent le fessier.

C’était avant que « la parole se libère »
Mais déjà des femmes ne se laissaient pas faire
Et elles préféraient l’action à la délation
(Plutôt mal vue en France depuis l’Occupation…)
La morale de cette exemplaire histoire de fesses,
de cette histoire vraie, sans princes ni princesses
qui pourrait s’être passée n’importe où, en somme,
c’est que toutes les femmes ne sont pas des pommes.

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* Inspiré par l’initiative qu’avait prise un cercle de la Jeunesse communiste.