Souvenir des jours de terreur au patelin-Heine

Heinrich_Heine portrait 2

Souvenir des jours de terreur au patelin*

Nous, bourgmestre et sénateurs,
En vrais pères de la ville, nous adressons
À nos fidèles concitoyens de toutes les classes,
L’avis suivant :

Ce sont les étrangers, venus d’ailleurs,
Pour la plupart, qui parmi nous ont semé
L’esprit de rébellion. Pareils pécheurs,
Dieu soit loué ! sont rarement enfants du pays.

Ils sont aussi, pour la plupart, négateurs de Dieu ;
Celui qui se dresse contre son Dieu,
Finira, en renégat, par s’opposer
Aux autorités terrestres.

Obéir à l’autorité est
Le premier devoir du Juif et du Chrétien.
Chacun doit fermer boutique,
Dès la tombée du jour, qu’il soit Juif ou Chrétien.

Tout attroupement de plus de trois personnes
Doit se disperser.
Personne ne doit être vu
Dehors, la nuit, sans lumière.

Chacun doit déposer les armes
Dans la Maison des Guildes ;
De même les munitions de toutes sortes
Doivent être laissées au même endroit.

Celui qui sera trouvé  dans la rue à raisonner
Sera immédiatement fusillé.
Raisonner par gestes
Sera aussi sévèrement puni.

Faites confiance à vos magistrats
Qui défendent l’État avec affection et piété
Par une conduite clémente et pleine de sagesse ;
Ce qui vous vous signifie : Fermez-là !

Henri Heine

(in Henri Heine, le Tambour de la liberté,
traduit de l’allemand par Francis Combes,
Le Temps des Cerises, 2007)
*« Erinnerung aus Krähwinkels Schrekenstagen », in Gedichte 1853-1854.
(C’est le Sénat de Hambourg qui est visé).

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