Bientôt vont se lever des résistants d’un genre nouveau
On les verra sur les places, dans les rues, sur les terrasses
se rassembler, se prendre dans les bras, s’embrasser
(malgré les lois, les décrets, les contrôles policiers)
non pour célébrer déjà la victoire de la vie et de la joie
mais pour le défi, le combat, le bonheur dangereux
d’être ensemble et de lutter.
Déjà le simple « ça va ? » que nous échangions rituellement pour nous saluer,
ces deux petits mots qui dans la vie d’avant avaient perdu toutes leurs couleurs,
ne sonnera plus pareil et se fera entendre
comme une question véritable et sincère
comme un mot de passe des partisans de la vie.
Quant au geste longtemps anodin de se serrer la main,
ce geste élémentaire qui nous était ces derniers temps interdit,
il deviendra le signe de ralliement des nouveaux conjurés,
le symbole de la fraternité cachée.
Bientôt vont se lever des résistants d’un genre nouveau
Ils seront ceux qui ne peuvent pas et ne veulent pas vivre sous bulle,
obéir aux robots et aux drones, se faire implanter des puces sous la peau,
aller là où on leur dit d’aller, éviter le moindre contact, le moindre attouchement,
regarder les autres en ennemis, sourds, méfiants et étrangers les uns aux autres,
Ils seront les conjurés du printemps et de la rosée.
Ils seront ceux qui n’hésitent pas à ouvrir leur cœur, leurs portes et leurs bras
à la vie et à la lumière du jour qui vient,
On les verra à nouveau défiler dans les rues
et distribuer quelle que soit la saison des bouquets de baisers.
Ils seront ceux qui prennent gaiement le risque
de vivre (et de mourir parfois) pour que la vie continue
et qu’elle soit pour tous un peu plus belle,
plus juste, plus solidaire, plus aimante.
On verra ces conjurés d’un genre nouveau
se donner des rendez-vous clandestins
pour crier aux fenêtres, sur les balcons et sur les toits
ce message secret :
« l’amour sur cette terre n’a pas dit son dernier mot ! »
le 4 avril 2020