Quelques poèmes de mon dernier livre paru chez Delga,
Le Jardin public, qui mêle réflexions sur la morale et
poèmes écrits pendant le confinement.
Les cartes sont l’œuvre du graphiste Thierry Sarfis.
La fin du PCUS
d’après Henri Alleg
Quand, après le coup de force de Boris Eltsine,
l’agent de police se présenta
au siège du Comité central du PCUS à Moscou
pour remettre copie
du décret officiel
portant dissolution du parti,
nul,
parmi les 2 000 permanents présents,
ne prit les armes,
ne s’insurgea,
n’entra en résistance,
ou ne décréta
l’occupation illimitée des locaux.
Chaque fonctionnaire,
sous le coup de la terrible nouvelle,
abattu,
ramassa ses affaires,
rangea ses papiers, ses gommes, ses stylos,
la photo de ses enfants
dans sa serviette
et rentra chez lui
(où plus d’un,
ce soir-là,
dut affronter
la colère de sa femme).
Ainsi,
cela même qui avait fait la force du parti,
– l’unité, la discipline –
précipita sa perte.
Mini-poèmes
Un simple virus
donne une leçon d’économie aux plus grands experts :
Faire des économies
parfois
cela peut coûter cher.
Liberté d’expression
(nouvelle définition) :
Tu as le droit de dire ce que tu penses
Mais en silence.
« Il faut faire un effort de pédagogie… »
(Le plus difficile
c’est quand les gens ont bien compris).
Onzième commandement :
Ceux qui sont les plus utiles
seront les plus mal payés.
L’addition
C’est quand ceux qui ne comptent pas
demanderont des comptes.
Le strip-tease socialiste
à Yves et Izabela
Dans la grande salle
du restaurant de la tour de la télèvision
sur la colline qui domine Cracovie
nous étions six amis attablés
devant un repas sans charme.
(Comme à l’accoutumée, la carte abondante
ne tiendrait pas ses promesses).
Quelques couples dansaient :
un directeur d’usine
avec sa secrétaire
ou sa femme peut-être,
de vieux paysans,
des étudiants…
Soudain,
sortant du vestiaire,
nous avons vu monter sur scène,
une employée,
tout à fait normale,
une fille ordinaire,
sans doute une bonne camarade.
Elle avait troqué sa tenue de serveuse
pour un nouvel emploi
artistique.
Lentement
elle se mit à se déshabiller
avec des gestes gauches,
malhabiles,
qui faisaient pitié.
Visiblement, cet exercice d’effeuillage
ne l’enchantait pas.
(Nous non plus, d’ailleurs.)
Le chemisier ôté,
elle ressemblait déjà
à un poulet plume
comme on en trouve
dans les rayons
du supermarché.
Sans doute un peu frileuse
elle avait la chair de poule…
Et quand elle fut
en petite culotte,
rouge de confusion,
elle se précipita
vers les cuisines.
Par la suite
à plusieurs reprises
nous avons assisté à d’autres strip-teases socialistes
de la part de dirigeants
qui se défaisaient de leurs convictions
une à une
pour séduire le public.
Mais plus ils se déshabillaient
plus le public se détournait.