Les feuilles qui tombent au champ d’honneur dans les allées du square
ne laissent pas de veuves
Feuilles anonymes, elles n’ont pour toute médaille que les couleurs de la saison
Un jeune Africain traverse la rue, il porte des baskets orange
C’est l’automne
Malgré tout ce qui se passe, le ciel aujourd’hui est irrémédiablement bleu
Un homme se meurt à l’hôpital
Tu gardes le lit
Dans les draps de la fièvre et du sommeil
tu flottes entre deux eaux comme en apesanteur
avec des semelles de plomb
Dans ma ville, il n’y a pas de statue équestre de général
(Ailleurs non plus d’ailleurs
cela ne se fait plus beaucoup)
Dans ma ville, pour tout monument, les Résistants quant à eux portent des noms de rue
Passent deux jeunes filles qu’accompagnent des contrebasses imposantes
mais qu’elles mènent du bout des doigts
Les pigeons poursuivent leur occupation quotidienne
sans tenir compte du calendrier
À leurs côtés nous faisons l’apprentissage naturel de la paix
On n’édifie plus guère de monuments aux généraux
mais l’industrie de guerre se porte bien
La ville est pleine d’étrangers qui sont ici chez eux
Nous sommes tous des étrangers sur cette Terre
cette Terre qui est notre seul refuge
est elle-même une réfugiée
Notre terre perdue dans l’univers frappe à notre porte pour demander l’asile
Une vieille dame que je ne connais pas me dit bonjour
et me sourit
Je la salue et lui souris à mon tour
(Il y a aussi ceux qui ne disent jamais bonjour)
Une enfant de deux ans se promène avec à la main un sac de grande
dans lequel elle transporte une cartouche en chemise rouge
(Nul ne sait d’où elle sort)
Le fascisme est toujours innocent
C’est d’ailleurs bien son crime
Un homme se meurt à l’hôpital
Les feuilles mortes jonchent les allées de leur médailles mordorées
Il aura vécu un long jour de paix
Les feuilles qui tombent se moquent de la gloire.
Le 11.11. 2021