L’astronome d’Ésope
Chez Ésope, un astronome (pas le charlatan
d’astrologue,
que prétend La Fontaine)
avait coutume de sortir chaque nuit étudier les étoiles.
Un soir qu’il marchait dans un faubourg obscur,
absorbé à observer le ciel,
il tomba par mégarde dans un puits.
Une servante qui passait par là
le tira d’affaire et, se moquant, lui dit :
« Toi qui surveilles le ciel,
tu ne prends pas garde où tu mets les pieds. »
De quoi nous parle cet apologue ?
Des savants étourdis ? Des poètes dans la Lune ?
Des philosophes spéculatifs ?
De la théorie qui méprise la pratique ?
Nul n’échappe à la critique de la servante.
Mais à toujours regarder ses pieds
on peut aussi finir par chuter.
*
L’oiseleur et la perdrix
Un oiseleur (le métier s’est un peu perdu)
vit un jour débarquer chez lui
un ami qu’il n’attendait pas.
Son garde-manger vide, il se résigna
à sacrifier sa propre perdrix,
(celle qui lui servait d’appeau
pour attirer les autres oiseaux).
Comme la perdrix se récriait
et le traitait d’ingrat,
l’oiseleur rétorqua :
« Tais-toi, oiseau de malheur,
qui trahis tes propres congénères ! »
(Esope, l’esclave affranchi,
avec une platitude dont il a le secret,
évite de le dire… mais c’est bien sûr une fable
sur la collaboration des classes).
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Le pêcheur qui jouait de la flûte
Esope rapporte l’histoire d’un pêcheur
qui jouait de la flûte, assis sur un rocher.
Sa musique étant des plus mélodieuses
il comptait dessus pour que les poissons,
séduits, viennent d’eux-mêmes
se jeter dans ses filets.
Finalement,
rien de tel ne se produisant,
il jeta son filet dans les eaux,
le tira et remonta des poissons.
Faut-il en déduire que la musique
ne sert à rien pour pêcher ?
(A part, peut-être, passer le temps ?)
Que l’art, même,
n’est d’aucune utilité pour se nourrir ?
La Fontaine, réécrivant cette fable,
en conclut de son côté que pour les rois
mieux vaut user de force que de persuasion
car « la puissance fait tout ».
Voire… nous savons que les grands
savent, quand il le faut, jouer aussi de la flûte.
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