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Festival international de poésie – San Francisco – juillet 2009

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Du 22 au 30 Juillet 2009, nous nous sommes rendus à San Francisco,  pour le deuxième Festival international de Poésie, organisé par les Amis de la Bibliothèque publique de la Ville. De nombreux poètes étaient présents, comme Lawrence Ferlinghetti, Jack Hirschman, Diane di Prima, Agneta Falk, ou Sacha Pimentel, pour les USA. Ou venant de l’étranger, comme Taslima Nasreen, Tarek El Tayeb, Georges Castera, Ferrugio Brugnaro, Anna Lombardo, Alexandre Skidan ou Maram al Masri… Des centaines de personnes ont assisté aux lectures, tant au Palace of Fine Arts, dans le parc du Golden Gate qu’en divers lieux de la ville, comme à l’Alliance française, au Musée de la Beat generation ou dans l’allée Kerouac, près de City Lights.

 

 

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Le voyage du Nouveau monde

Nous traversons l’Atlantique
comme le fit avant nous Colomb…
Certes, nous savons
que nous ne risquons pas de découvrir
une route plus courte vers les Indes,
ni un continent nouveau
et que ni l’or du Pérou,
ni la puissance, ni la fortune
ne nous attendent…
En revanche, nous devrions
franchir l’océan un peu plus vite qu’il ne le fit,
éviter le scorbut,
la mutinerie de l’équipage,
les flèches des indiens
et même
celles
de la désillusion.

22/07/2009

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Ma  capucine

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Comme nous remontions Hyde Street
tu as piqué une fleur de capucine
qui débordait d’un balcon et tu l’as mangée.
Puis, je t’ai embrassée et j’ai goûté sur ta langue,
ma capucine,
le goût poivré de la capucine.

Ce petit poème, ma chérie,
ne concerne que nous deux ;
c’est une affaire strictement privée…
Mais, si tu en es d’accord, nous pourrions l’offrir
à ceux qui aiment les capucines
et même à ceux
qui aiment s’embrasser.

23/07/2009

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Conversation nocturne

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Je suis allongé sur mon lit dans la chambre de l’hôtel Rex
et par la fenêtre ouverte me parviennent les bruits de la ville.
La Cité continue de me parler dans son demi-sommeil…
De temps en temps, je perçois les appels rauques et désespérés des camions de pompiers,
le rugissement d’une auto qui ouvre la gueule à s’en décrocher la mâchoire comme le fauve près du point d’eau,
le chuintement des pneus,
et, comme un lointain gargouillement, dans le ventre de la ville, je devine le bruit des chaînes des trolleybus
qui ne cessent de courir sous le bitume.
La ville grommelle dans son demi-sommeil.
Une clochette  tinte à l’heure du laitier, peut-être,
et je me dis :
« Ca va,
je peux m’endormir,
nous ne sommes  pas seuls sur la Terre.

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Double sonnet de l’Albatros

Ici, j’ai vu l’oiseau que tu célébrais
l’Albatros, Baudelaire, « prince des nuées »
que gênent pour marcher ses ailes de géant
et qui, à tes yeux, figurait le poète…

Après s’être posé, les ailes déployées,
sur le ponton de bois de l’Embarcadère
il a fait quelques pas, gauche, claudiquant
puis est venu se percher sur la rambarde.

(C’est vrai qu’il pourrait passer pour un cousin ;
à dire la vérité, pas très sympathique,
dans son habit blanc faussement innocent

de prêtre d’un culte que nous ignorons,
un bec sans remords, vaguement satisfait,
couteau orange et courbe qui dégoutte d’eau

avec une tache qui ressemble à du sang…
Il a tout d’un humaniste carnassier,
peu accessible aux émois du romantisme).
Ah ! Certes il y a en nous de l’albatros…

Mais la plupart des poètes que je connais
(même si tous en ont sans doute le regret)
ne se sont pas encore vus pousser des ailes ;
ce qui ne les empêche pas de voler

(et parfois même de traverser l’Atlantique).
Et beaucoup d’entre nous quand même ont appris
à laisser les nuées pour marcher sur Terre,

bravant l’indifférence, parfois, les huées,
plus souvent croisant des regards amicaux,
en êtres humain, simplement, parmi les leurs.

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Barbary Coast

Pour bâtir une ville, il vous faut
des immigrés qui vont jusqu’au bout de leurs forces,
(si ce n’est de leurs espérances),
des maçons, des travailleurs de toutes professions, des marchands,
des chercheurs d’or, des prostituées,
des mauvais garçons,
et même des banquiers et des policiers…
Mais pour faire une ville où le rêve du  voyage
peut prendre ses quartiers d’hiver,
il vous faut y ajouter :
des collines et de l’eau.
Et, si vous pouvez,
un coin de Pacifique.


PS : le ciel bleu ou le brouillard sont en option.

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Sous la coupole

A travers la coupole transparente et dorée
du magasin Neiman-Marcus
à l’angle d’Union square
je regarde le ciel…
Le ciel…
Bleu à cet instant… pur… lointain… indifférent…
Pour un peu, j’en tomberais amoureux
(tout le monde se laisse prendre…)
Mais comment faire pour grimper là-haut ?
Comment faire pour l’enlacer ?
Pour se coucher dessus ?
C’est un truc à se casser le cou !
A se retrouver par terre,
tout à fait mort…
Non, décidément, entre lui et moi
                c’est un amour impossible.
Tu n’as rien à craindre
je n’ai l’intention
de te quitter
                                               pour lui.

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Fragile

Le vieil Asiatique,
assis près du comptoir,
peint des cartes postales étranges,
des ex-voto vaguement surréalistes
et un peu fous
qu’il essaye de vendre.
Il porte une barbichette
fine comme le poil
d’un de ses vieux pinceaux,
un walkman sur les oreilles,
et,
     sur son front
 il a placé une étiquette autocollante
(comme celles que l’on pose sur les colis) :

« FRAGILE
handle with care »

(Peut-être est-il un peu fêlé
mais, pour l’instant,
                               il tient bon).

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Sur le patriotisme de ceux qui n’ont rien

La mendiante croisée dans Sutter Street,
très pressée,
qui parle toute seule
et pousse devant elle
un caddie dans lequel
sont assis deux gros chats,
porte sur sa casquette
de jean
et dans son dos
la bannière étoilée.

Il faut dire
qu’à elle qui n’a rien
l’Amérique a tout donné :
le caddie
les chats
et même
la Liberté.

24/07/2009

 

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Petaluna

Alors que le soleil était encore haut
dans le ciel au-dessus des collines brûlées
et que les poètes téméraires se baignaient, nus,
dans l’eau fraîche de l’étang boueux, trois rapaces
vinrent tournoyer au-dessus de leurs têtes.
Puis, découragés, ils se sont en allés…
Cette fois encore, ils ne nous auront pas.

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Le vaisseau fantôme


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Nous nous enfonçons dans l’oreiller du soir
la bruine des collines
Nous marchons parmi les nuages dans la ville qui flotte sur la brume
comme un bateau prêt à appareiller qui a perdu ses cartes de navigation
et dont les fanaux tremblent sur cette autre planète
où vient d’atterrir notre vaisseau
Entre chien et loup
dans l’intimité mauve
et la douceur incertaine du brouillard
cristal tintinnabulant
sous la cloche blanche du silence
Nous sommes des passagers de la Voie lactée
locataires provisoires de la Terre
juchés en apesanteur
au sommet
de notre fragile
éternité.

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Le poème oublié

J’ai souvent eu l’idée d’écrire un poème
sur les choses diverses et variées que je perds,
sur tout ce que j’égare,
sur tout ce que j’ai oublié,
involontairement, quelque part :
ma  casquette, un carnet, un crayon,
de nombreux stylos,
parfois une paire de clefs,
un portefeuille avec des pièces d’identité
ou des cartes de crédit…
Et, dans ce poème, j’aurais aimé dire que,
(même si ces pertes parfois nous font de la peine
ou nous compliquent l’existence)
elles font partie de notre vie,
elles sont probablement inévitables,
peut-être même nécessaires…
(Elles nous rendent plus légers
et nous enseignent l’art
de nous déshabituer).
Mais, voilà,
je ne l’ai jamais écrit
car, chaque fois,
l’idée même de ce poème,
je l’ai  oubliée.

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Le rire du dinosaure

Cette nuit, j’ai partagé l’appartement d’un dinosaure
J’ai couché dans la chambre à côté de la sienne
et c’est vers 3 heures du matin que je l’ai entendu…
Sortant de la caverne de sa poitrine :
de sombres éclats de voix
des grommellements, d’abord, puis soudain un beuglement,
quelque chose comme un barrissement
(faute de littérature scientifique suffisante sur le sujet
on ne sait trop par quel terme exact 
désigner le  cri du dinosaure)
En fait, je ne comprenais pas vraiment ce qu’il disait,
sauf de temps en temps, un mot qui revenait, un cri : « Aggie !»
En rêve, il appelait  la femme blonde,
penchée sur son grand corps de dinosaure,
car le dinosaure parle quand il est profondément endormi
(après avoir fini sa bouteille de vodka).
Dans son rêve, les ordinateurs ont pris le pouvoir
et ils écrivent des kilomètres de poèmes
que personne ne comprend ;
Staline travaille maintenant dans une nurserie
et il a un bébé sur chaque bras ;
les « -ismes » n’existent plus
et pourtant les peuples tendent les mains dans les rues…
Puis, il se calme
Et voici que soudain, il rit aux éclats
d’un rire énorme.
Qu’est-ce qui lui prend de rire comme ça ?
Peut-être quelqu’un lui a-t-il dit qu’il appartenait à une espèce
depuis longtemps disparue
de la surface de la Terre.

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Fleur de pensée

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Sur la paume ouverte de l’homme aux paroles fraternelles,
dans le sillon des rides, au recoin des yeux rieurs  de  celui qui n’a pas oublié,
dans la ville cosmopolite que traversent les trolleys,
il est là…
Sur le monument aux combattants internationalistes de la Brigade
Abraham Lincoln, près de l’Embarcadère,
dans la ville  ouverte sur le monde, l’une des seules à rendre hommage aux brigadistes,
il est là, il n’est pas mort…

 

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Sur la fresque murale de l’allée Kerouac, près de City Lights, la librairie de Lawrence Ferlinghetti,
qui appelle à la solidarité avec les peuples d’Amérique latine,
sur le sac à l’étoile rouge porté en bandoulière par un jeune homme qui passe du côté d’Union square,
il est encore là…
Dans la devanture de la boutique de candies, sur les boîtes de pastilles à la menthe,
avec le marteau et la faucille,
dans le sourire du Che sur le T-shirt
dans le portrait de Lénine sur la sucrerie vendue dans la papeterie spécialisée dans les fournitures pour artistes,
Inoffensif pour l’instant, mais là, toujours là…
dans les poèmes de Jack,  dans la discussion autour d’un verre de vin et d’un plat de pâtes au bar du Vesuvio,
sur l’agent orange au Vietnam, sur Angela ou sur Cuba,
dans les dernières nouvelles de Mumia  que nous donne Robert, son avocat, passé nous voir avec Nicole
il est toujours là,
alors que la marée s’est retirée
comme des coquillages que l’on trouve n’importe où et qui prouvent que la mer était présente partout,
comme une fleur de pensée, un tatouage indélébile,
il est là, il est toujours en vie
jusque dans la métropole capitaliste
le vieux rêve du communisme, le rêve de la révolution, le rêve du monde solidaire et fraternel.

 

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On the Way back

Aujourd’hui, le 30 Juillet 2009,
étant dans ma cinquante septième année,
(de retour du  Festival de poésie de San Francisco),
n’ayant jamais, malgré les années et les combats,
tué en moi l’adolescent amoureux,
je survole les États-Unis aux côtés de celle que j’aime.
Le temps est clair, avec quelques turbulences.
Dans mon verre, le jus de tomates et les glaçons
sont comme un iceberg de pureté dans une mer de sang
que je bois lentement…
Même si parfois je me laisse aller à somnoler.
je ne veux pas me coller de masque sur les yeux pour dormir.
Le voyage est long mais la vie est courte.
Du monde, je veux dire la laideur et la beauté
car depuis longtemps j’ai pris parti pour la vie et pour la joie.
(Le poète a en charge la propagande du bonheur).

 

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Festival de poésie San Francisco 2009
Album : Festival de poésie San Francisco 2009
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