La mort de Tycho Brahé

7 juillet 2021

Tychi Brahe

Il est des hommes qui brillent dans la vie par leurs actes
et certains – parfois les mêmes – brillent aussi par leur mort.
Tycho Brahé, l’astronome danois, fut de ceux-là.
Disciple de Copernic, il eut pour disciple Kepler.
On lui doit de grands progrès dans l’observation du ciel
pour laquelle il se dota de savants instruments.

Ayant suivi en 1572 le passage de la Supernova
il remit en cause l’idée d’Aristote
de l’immobilité du monde supra-lunaire ;
mais il croyait à celle du monde sublunaire.

Tyco brahé théorie

Il avait prévu le passage de la Grande Comète de 1577
mais il croyait encore que la Terre
se tenait sagement au milieu
de l’Univers
(conformément à la loi de Dieu).

Tycho Brahe

Lors d’un duel avec un lointain cousin
qui s’était moqué d’une de ses prophéties
celui-ci lui coupa le nez.
Il dut porter ensuite un appendice artificiel
fait, dit-on, de cuivre et d’or.
(Par quoi il brillait en société
comme ses chères étoiles dans le ciel).

Mais sa mort fut plus remarquable encore.
Alors qu’il vivait près de Prague,
l’empereur Rodolphe II l’invita un jour
à voyager avec lui dans son carrosse.
Le voyage était long
et forte son envie de pisser…
Il n’osa pas demander qu’on arrêtât le carrosse
et mourut dans la nuit
d’une crise d’urémie.
Tycho Brahe et nez

Ainsi a fini
ce savant observateur du monde céleste
qui observait trop les convenances terrestres
et avait pour les astres
princiers
trop de respect.

le 30/12/2020

Un jour d’automne à la Samaritaine

28 juin 2021

Souvenir de la Samaritaine avant sa rénovation.

Poème publié dans mon recueil « La Fabrique du bonheur », Écrit des Forges, 2000

Pigeon rouge

En vain, je t’ai attendue toute une après-midi
À la Samaritaine, assis sur la terrasse.
Longtemps, comme à la hune d’un bateau,
J’ai regardé la flamme dans le vent
D’un fanion qui faseye.
En altitude,
Les nuages qui vont, courant dans le ciel jaune
Ont l’air plus solitaires.
À la hauteur des têtes,
S’envolent des moineaux.
Des Invalides,
J’aperçois le dôme que le soleil redore.
Près du Pont-Neuf une péniche
Comme en dormant très lentement se traîne
Et lance un cri très triste de sirène.
Les bruits de la ville montent vers moi
Humblement et se perdent.
Je domine Paris,
Et sens que m’envahit
La torpeur si coutumière aux dieux.
J’ai là, sous les pieds, tout un grand magasin
Comme une ruche immense bourdonnante de femmes,
De mots caressants et joyeux, chuchotés et câlins,
De tissus que l’on touche et qui s’offrent, soyeux…
Et bientôt me saisit
Une ancienne et toujours vive tentation
Pour nous autres, les Terriens :
Je sens que dans le dos me poussent des ailes ;
Je me change en ange…
Mais personne n’y prend garde,
Pas même à la table voisine
Les jolies touristes qui boivent leur thé brûlant sans un regard pour moi.
Emmitouflé dans le manteau de ton amour
J’écris et je t’attends.
Je suis en ce moment un poète céleste
Et frigorifié
Avec, pour tout compagnon,
Un café-calva, un papier
Et un bout de crayon.
Mais voici que le froid qui commence à m’engourdir
M’éclaircit l’esprit :
« Le monde, me dis-je,
Pris d’une soudaine inspiration –
Il ne faut pas seulement
Le regarder d’en haut ! »
Alors
Touché par cette révélation
je change d’altitude
Et
les bras serrés au corps
Les mains dans les poches bien enfoncées
Avec application
J’observe à mes pieds le manège des pigeons,
Compères claudiquant, silencieux et modestes
À qui nous ne prêtons guère attention.
Le tiers-monde des oiseaux,
Petit peuple des laissés-pour-compte,
S’aventure entre nos tables
Quêtant des miettes à picorer…
Je les observe et me dis :
Que ferions-nous
Si,
D’aventure
dans la nuit,
Les pigeons de Paris se changeaient en géants
Et marchaient dans la rue
Pour réclamer leur dû ?…
Pendant que, mâchonnant mes vers,
Je médite intensément
Sur cette question
Plus importante qu’il n’y paraît
Le jour – qui, visiblement
N’en avait rien à faire –
S’en va
Et toi,
Tu ne viens pas…
Il se fait tard,
Nous nous sommes manqués.
(Peut-être es-tu déjà rentrée ?…)
Ah ! Ne me dis pas ce soir
Sur un ton de reproche :
« Où étais-tu passé ?
Pourquoi ne m’as-tu pas cherchée ? »
Ne me dis pas que toi aussi tu étais là
Que tu t’impatientais
Deux étages plus bas…
Moi,
Je t’attendais,
J’étais dans les nuages
Et j’y ai pris froid.

samaritaine

Fable tirée de l’histoire de la République de Weimar

14 juin 2021

rot front

Dans les rues de Berlin défilent
Menaçantes, les chemises brunes.
Et face à eux, marchent au pas
Les bataillons du Rot Front

Le poing levé, contre les Nazis
Et le ministre social-démocrate, Carl Severing,
Qui veut mettre hors-la-loi le Rot Front.
(On sait qui tira les marrons du feu).

Entre Severing et le Rot Front
Ce n’était pas une petite question d’ego,
De défense d’intérêts d’appareils,
De prééminence ni de concurrence
Électorale. Entre les sociaux-démocrates
Et le Rot Front, il y avait le sang
De Karl Liebknecht et celui de Rosa.
Leurs raisons étaient des plus sérieuses.
(Pourtant, nous savons
qui tira les marrons du feu).

Le 30/V/2021

Rot Lux et Liebkn

La Fontaine de Jouvence

6 juin 2021

Fontaine

Le temps qui passe nous fait offense
Mais notre amour semble durer.
Serait-ce donc affaire de chance
Ou d’humaine nécessité ?

De grand vouloir aussi, je pense
Le long désir de s’entr’aimer
Nous fait sourciers de transparence
À l’antre obscure des baisers.

Il faut pour faire l’amour durer
Le feu, la fougue et la patience…
Aimer de toute éternité
Nous est Fontaine de Jouvence.

Le 9/V/2021

 

Rejoignons la conjuration des coquelicots

24 mai 2021

Conjuration coquelicot

Ode à la joie

Sonnons les cloches à toute volée
à ce vieux monde qui ne l’a pas volé
à ses chasses gardées, ses gardes-chasse
ses frontières, ses barbelés, ses policiers,
son esprit de clocher, ses propriétés privées
qui privent tous les autres de propriété
sa course à la richesse qui nous appauvrit
son deux poids deux mesures qui n’a plus de mesure
sa démesure et son acharnement
à creuser sa tombe pour nous y enterrer
En marche, sautons du train qui fonce vers l’abime
le sang et les larmes
Tirons le signal d’alarme
Tirons notre révérence
Décrétons les vacances
De printemps, d’été
D’automne et d’hiver
Mettons le dimanche
Dans le lundi
La mer à la montagne
La ville à la campagne
Et la vie en roue libre
Prenons la clef des champs
Et la poudre d’escampette
Jetons notre bonnet
Par dessus les moulins
Montons sur nos grands chevaux
Et volons de nos propres ailes
Prenons le large
Prenons la porte
Prenons l’air et gardons-le
Pour l’offrir à tous ceux qui en ont besoin
Mettons le feu aux poudres
Et les quatre fers au feu
Battons le tambour
Battons la générale
Et le général
Décapitons le capital
Faisons banquer les banquiers
Dressons la table du grand banquet
Qu’elle se dresse elle-même sur ses quatre pattes
Et qu’elle mette les bouchées doubles
Demandons la lune
Et partageons sur Terre
Notre place au soleil
Offrons-nous un déjeuner de soleil
Et faisons-le durer.

Ode pour un œillet rouge

16 mai 2021

Oeillet rouge

Il y a si longtemps que les hommes
comparent les femmes à des fleurs
que peut-être elles en ont assez
et les fleurs aussi…
(Pour nous autres, les hommes, ce n’est pas pareil…
Peut-être que nous aimerions bien de temps en temps,
qu’on nous écrive aussi des poèmes d’amour).
Pour notre excuse
disons que si les fleurs sont les productions
les plus évoluées du règne végétal
les femmes le sont
de l’humanité…

Alors,
comme nul ne peut prétendre interdire aux poètes
d’avoir recours aux fleurs
je te nommerai « œillet »
(le simple œillet qui n’a rien de simplet,
l’œillet sans prétention qui n’est pas sans histoire).
Non pas l’œillet rose
né, paraît-il, des larmes de la Vierge
pour son fils crucifié,
Ni l’œillet blanc de l’amour et du deuil éternels,
Ni même le délicat et frêle « œillet de poète »
qu’il t’est arrivé de me rapporter…
Non, tu es mon œillet rouge,
l’œillet de la joie, de la douleur et du sang,
l’œillet de la colère et des espérances ouvrières,
l’œillet du Premier mai,
l’œillet des communards massacrés,
celui que nous offrions quand nous étions jeunes
à la sortie des usines et des lycées,
l’œillet clair, l’œillet sombre qui pousse
dans l’intimité obscure de la terre,
l’œillet têtu et entêtant au caractère fort
et à l’odeur poivrée,
l’œillet délicat aux pétales ciselés
l’œillet à la jupe retroussée, multiple et renversée
qui fait valser les cœurs et chambouler le jour,
l’œillet qu’au revers de nos vestes nous porterons toujours,
le rouge œillet
de la liberté de la révolution.

Le 25/04/2021

enfant révo oeillets

Le Massacre des innocents

16 mai 2021

Nicolas_Poussin-Le_massacre_des_Innocents

Il est dit dans l’Évangile selon Saint-Matthieu
Qu’Hérode, réputé pour sa cruauté,
Ayant appris qu’un nouveau roi allait naître en Judée
Fit massacrer dans Bethléem,
Tous les enfants de moins de deux ans.

Aujourd’hui, les historiens affirment
Que le massacre n’est pas avéré.
Car pas documenté
(Les réseaux sociaux n’existaient).

Mais ce qu’il l’est
C’est qu’un nouvel Hérode est né en Judée.
Il s’appelle Netanyahou.
Craignant que le peuple de Palestine
Un jour devienne son propre roi,
Partisan de la solution finale,
Il fait massacrer ses enfants dans Gaza.

Et à Paris règne un Ponce Pilate
qui renvoie dos à dos assassins et victimes.

Enfant palestine char

En Colombie, il ne se passe rien

16 mai 2021

Colombie2

A suivre les informations du Vingt heures
En Colombie, il ne se passe rien
Le virus continue de sévir un peu partout sur la planète
Et on parle de déconfinement
A suivre les informations du Vingt heures
Tu apprendras que d’après les laboratoires
Mettre les brevets des vaccins
À la libre disposition de tous les pays
N’est pas une bonne idée
Et selon les informations du Vingt heures
En Colombie, il ne se passe rien
À part ça rien
Des inquiétudes pour le chiffre d’affaires des restaurateurs
La reine d’Angleterre est toujours vivante
En Colombie, il ne se passe rien
Sans doute parce que la Colombie doit se situer
Dans un autre hémisphère où les peuples se soulèvent
Quelque part à la surface de la face cachée de la Terre
Celle qui n’est pas éclairée par le soleil
De nos grands médias.

Le 8/05/2021

 Manif Colombie 2021

En Colombia no pasa nada

Según el noticiero de las veinte horas
En Colombia no pasa nada
El virus continúa atacando por todos lados el planeta
Y se habla de des confinamiento
Según el noticiero de las veinte horas
Te enterarás que según los laboratorios
Poner las patentes de las vacunas
A la libre disposición de todos los países
No es una buena idea
Y según las informaciones de las veinte horas
En Colombia no pasa nada
Aparte de esto nada
Inquietudes por el volumen de ventas de los restaurantes
La reina de Inglaterra está siempre viva
En Colombia no pasa nada
Sin duda porque Colombia está ubicada
En otro hemisferio donde los pueblos se sublevan
En alguna parte de la cara oculta de la Tierra
Aquella que no está iluminada por el sol
De nuestros grandes medios.

Traduction de José Muchnik

Maréchal, nous voilà !

3 mai 2021

Pigeon

Article 1.

En raison du désordre croissant
Dû aux agissements irresponsables
D’une petite minorité
Et pour y remédier,
Il est décidé,
Que sur toute l’étendue du territoire
Et en vertu du principe de précaution
Inscrit dans la Constitution :
Les virus devront se laver les mains
Un couvre-feu sera décrété pour les poules
Les renards ne pourront plus sortir
Sans leur attestation
Les oiseaux devront porter un parachute
Ou, à défaut,
Une ceinture de sécurité
(Ainsi que les chats
Et les tortues domestiques)
Le tuba deviendra obligatoire
Pour les poissons d’eau douce
Le préservatif pour les lapins
La couche-culotte pour les chiens
Et la muselière pour les humains.

Hamburger

Article 2.

Afin d’empêcher l’invasion du territoire
Par les dépressions (lesquelles, d’ailleurs,
Viennent toujours de l’étranger)
Tout nuage en situation irrégulière
Sera reconduit à la frontière.
Les pluies ne seront tolérées
Qu’en rase campagne
Suivant un calendrier territorialisé
Et défini par les préfets.
La neige sera réservée
Aux zones de montagne
En privilégiant les stations de ski
Pour assurer la rentabilité
Des remontées mécaniques.
Et le rayonnement solaire
(Limité aux horaires de journée)
Concernera principalement le littoral,
Les régions touristiques
Et les cités balnéaires
Afin de préserver
Le chiffre d’affaires.
Poisson

Article 3.

Les chômeurs seront encouragés
À travailler
Par le non-versement
De leurs allocations.
Les ouvriers mécontents
Auront le droit
De prendre la porte.
Et les immigrés qui resteront,
De balayer devant cette porte.
Quant aux journalistes
Ils devront se perfectionner
Dans l’art déjà très avancé
De la répétition.
Tous les restaurants et les commerces,
Les pizzerias, les Grecs, les Turcs
Les Chinois et les Arabes du coin
Devront produire et consommer français.
(Avec dérogations possibles
Dans les secteurs protégés
Des parcs d’attraction,
De la chanson et de la télévision).
À ce propos
L’art, le cinéma, la littérature
Seront placés sous l’autorité
Du Ministère de l’économie ;
Les Affaires étrangères
Sous celle de l’Intérieur ;
Le secrétariat d’État
À l’égalité homme-femme
Fusionnera avec celui du Patrimoine
Et la Jeunesse relèvera
Des Anciens combattants.
Enfin,
Pour redresser une situation
Que  chacun sait catastrophique
L’éducation des enfants
Sera confiée
À la Gendarmerie,
Les principes de la Laïcité
Seront garantis par l’Église
Et l’enseignement de la philosophie
À l’Université, sera assuré
Par les plus hauts gradés de l’armée.

Les mains vides

23 avril 2021

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